Avec raison, la démission du député conservateur Brett Rathgeber a surtout retenu l'attention pour le dommage politique qu'elle a causé au premier ministre Harper. Dans la foulée du fiasco Duffy-Wright et le scandale des dépenses au Sénat, cette démission a le mérite d'exposer au grand jour ce que l'on soupçonnait déjà: un mode de gestion autocratique du PM où les députés - et les ministres - sont relégués au rôle de figurants à qui l'on demande de réciter les messages du jour émanant de son bureau. Lors de sa conférence de presse, M. Rathgeber a affirmé que les députés conservateurs étaient devenus ni plus ni moins des «phoques entraînés».

S'il est vrai que la centralisation du pouvoir a atteint son apogée sous la gouverne de M. Harper, qui contrôle tout et décide tout, la prédominance de l'exécutif dans notre système politique en soi n'est pas un phénomène récent. C'est l'un des fondements du parlementarisme britannique.

La ligne de parti - ce mécanisme par lequel les députés doivent être solidaires et voter en bloc sur certains enjeux clés - est essentielle à la stabilité de notre système parlementaire. Quand un député se présente sous la bannière d'un parti, il s'engage aussi à accepter ses positions, ses valeurs et ses engagements électoraux. 

Mais il ne fait aucun doute que son utilisation abusive et excessive au fil des ans a dénaturé le fondement et le rôle du Parlement.

Dans notre système politique, c'est le Parlement qui est souverain. Le premier ministre et le cabinet n'ont la légitimité démocratique de gouverner qu'à la seule condition de pouvoir démontrer qu'ils détiennent la confiance d'une majorité de députés en Chambre. Quand nous nous rendons aux urnes, nous ne votons pas pour un premier ministre, mais pour un député. C'est le chef du parti qui remporte le plus de sièges qui est appelé à former le gouvernement.

En un mot, le rôle du législatif est de rendre l'exécutif imputable, pas de s'y subordonner aveuglément et bêtement.

Les députés qui siègent du côté gouvernemental (les backbenchers) ont différents mécanismes à leur disposition pour assurer cette imputabilité.

D'abord, au sein des réunions du caucus hebdomadaires, ils doivent se faire entendre et exprimer leurs désaccords, propositions, etc. Il s'agit d'un forum idéal pour influencer les politiques gouvernementales parce qu'il permet des discussions franches à portes closes.

Ensuite, au sein des comités parlementaires, ils doivent assumer leurs responsabilités de législateurs et voir à l'amélioration des projets de loi et, tout comme dans le système américain, rendre réellement imputables les membres de l'exécutif qui comparaissent devant eux.

Enfin, ils peuvent proposer des projets de loi privés et forcer la main du gouvernement. Un exemple probant est le projet de loi récent émanant d'un député de l'opposition sur le bilinguisme des agents du Parlement qui a reçu un appui unanime aux communes.

En démocratie représentative, nos représentants sont les fiduciaires de notre volonté collective. Il nous faut redonner un sens à la fonction de représentant, qui est fondamentale à notre démocratie parlementaire.