Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple? Dans sa chronique, où il condamne la gestion de l'offre, Alain Dubuc choisit de «faire simple» et d'appliquer la loi du moindre effort, même s'il admet que la réalité agricole est complexe et que les chiffres cités hors contexte, ce n'est pas bien.

Son argument massue pour dénoncer la gestion de l'offre: un camembert français, Le Rustique, est offert chez Carrefour, grand détaillant français, à 9,60$ le kilo cette semaine. Le même camembert, importé au Québec, se vend 32$ le kilo chez IGA. Et les camemberts québécois sont plus chers: 35$ le kilo. Comment s'explique cet écart «phénoménal» ? La faute à la gestion de l'offre, c'est simple!

Pour ce qui est du camembert français vendu 9,60$ le kilo là-bas, ce n'est pas la faute du prix du lait au Québec s'il se vend 32$ le kilo chez nous. 

Ce n'est pas à cause des tarifs douaniers non plus. Ce fromage est entré au Canada, sans aucun tarif, tout comme les 20 400 tonnes de fromages importés chez nous en franchise de douane tous les ans. Même en ajoutant les coûts de transport et ceux de l'importateur, rien ne justifie qu'il se vende 32$ le kilo rendu ici. L'explication la plus logique, c'est que les intermédiaires gonflent leurs marges plutôt que de transférer l'économie aux consommateurs.

M. Dubuc dira qu'en économie de marché, c'est normal. Il dira que la réalité est plus complexe et qu'on ne peut pas faire de calculs aussi simplistes pour évaluer les coûts d'importation et de distribution du camembert français ici. Je suis bien d'accord. La réalité est plus complexe.

Dans le kilo de camembert québécois, vendu 35$ chez IGA, la valeur du lait est d'environ 8$. Même si le producteur donnait son lait à la fromagerie, le prix de détail du camembert serait encore de 27$ le kilo, soit près de trois fois le prix du camembert en France.

Comparer le camembert français au camembert québécois est boiteux. C'est comparer un produit de masse, fabriqué sur une base industrielle en France, à un produit spécialisé, fabriqué à petite échelle ici. Il eut été plus juste de comparer le prix du cheddar chez nous à celui du camembert en France. 

Depuis la déréglementation des prix de soutien du lait en 2007 en Europe, en dépit des 60 milliards d'euros de soutien annuel de la politique agricole commune, les producteurs sont en crise. Il suffit de taper «crise du lait» dans Google pour le constater. Le marché ne couvre pas les coûts de production des producteurs français, malgré les subventions qu'ils touchent.

Le système canadien n'est sans doute pas parfait, mais la gestion de l'offre procure un revenu aux producteurs d'ici, sans subventions de l'État. Elle mérite d'être reconnue et soutenue.