Depuis près de 15 ans, le ministère de la Santé a engagé des sommes importantes au sein des CHSLD, pour former le personnel, réaménager des locaux, afin d'implanter la philosophie «milieu de vie» qui encourage l'instauration d'un quotidien institutionnel le plus proche de celui du domicile.

Cette façon de voir, quoique louable, a banalisé les problèmes de santé physiques et surtout mentaux des personnes admises, avec la conséquence de ne pas ajuster les quotas du personnel soignant en fonction de la réelle lourdeur des soins à administrer.

Quand je lis que le ministre de la Santé, Réjean Hébert, envisage de transférer sur une unité de CHSLD une personne de 75 ans et plus admise aux urgences, je me pose les questions suivantes.

Le ministre sait-il que parfois, pour des considérations purement financières, il n'y a pas d'infirmière à chaque quart de travail? Qui assumera dès lors la prise en charge de la personne? Aucun médecin sur place non plus en dehors de quelques heures/semaine.

Si une personne de 75 ans et plus se trouve à l'urgence, on peut supposer que c'est la gravité de son état qui le requiert. Pourquoi ne recevrait-elle pas les soins en fonction du diagnostic et non de son âge? Cette personne est peut-être plus active qu'une autre plus jeune, mais plus lourdement handicapée physiquement ou mentalement. Cette personne âgée provient peut-être d'un CHSLD, où son état s'est détérioré. D'après M. Hébert, elle devrait retourner dans un CHSLD par le simple fait de son âge. Nous viendrait-il à l'idée de désengorger les urgences pédiatriques en retournant les enfants dans leur garderie, sous prétexte qu'ils seront mieux là qu'à l'urgence? Nous viendrait-il à l'idée de transférer en ressources intermédiaires les personnes d'âge mûr? Je ne le crois pas, du moins pas encore.

Doit-on s'attendre au Québec, à l'apparition d'une troisième médecine, celle de l'âge, maintenant qu'on commence tristement à devoir s'habituer à celle des nantis et des moins nantis?

À quand une médecine qui respectera les principes de base de l'accessibilité et l'universalité?

À quand les moyens en amont pour contrôler l'affluence à l'urgence? Les heures de bureau allongées de la pratique privée? Les médecins de famille dans leur bureau et les urgentologues dans les urgences? À quand les visites du médecin au domicile des plus malades, incluant justement les 75 ans et plus?

A-t-on évalué les impacts humains et financiers de tous ces transferts de l'urgence vers les CHSLD et vice versa?

Qu'on éteigne les lumières la nuit est louable, mais laissons la lumière entrer sur les vrais problèmes organisationnels du réseau de la santé.