Pour paraphraser le film ¡No! , si dans le capitalisme n'importe qui peut gravir le sommet - et on se demandera bien si cela est vrai, considérant l'inégalité des chances dans laquelle nous naissons - tous ne peuvent pas y trôner. On se permettra alors de se demander si, en fait, on ne nous fait pas plutôt croire que nous pouvons tous nous rendre au sommet; pour tranquilliser les pauvres, et puis pour réconforter les riches.

En lisant la lettre de Jérôme Soucy, on se demandera s'il saisit bien le capitalisme dont il traite.

On se demandera d'abord si on doit absolument envier les propriétaires de Porsche et si on ne peut pas tout simplement avoir envie de bien vivre, sans plus. Les anticapitalistes ne jalousent pas les propriétaires de voitures luxueuses. Vous ne les entendrez aucunement se plaindre ne pas en posséder une, puisqu'ils n'en désirent pas.

On se demandera ensuite si les pauvres sont bien pauvres parce qu'ils sont paresseux, et les riches bien riches parce qu'ils sont plus travaillants. Le capitalisme est-il vraiment «à la portée de tous?»

Si on entend par là le succès et la richesse, il faut bien reconnaître que non. Lorsque M. Soucy écrit que «[le capitalisme] engendre une disparité de revenus basée en général sur le choix personnel de trimer dur ou non», il oublie peut-être que nos perspectives d'avenir sont en grande partie déterminées par le système politique et le milieu socio-économique dans lequel nous naissons, allant de notre pays jusqu'à notre famille. Les inégalités sociales ne sont ainsi donc pas attribuables au mythe du manque de travail, de mérite ou de talent.

Et puis, on se demandera s'il faut même travailler pour devenir riche, ou s'il ne faut seulement disposer que de fonds à investir dans des actions en bourse. La «grande» richesse est celle des actionnaires spéculateurs, qui ont provoqué la crise économique actuelle en plus de quelques crises alimentaires.

On se rappellera aussi que le capitalisme, c'est: les délocalisations, les sweat-shops, l'exploitation de travailleurs dans les pays du Sud comme du Nord... Et même s'il s'avérait que l'enrichissement d'un individu soit strictement le résultat d'un travail acharné, sans aucune exploitation d'autrui - permettez-nous d'en douter -, la richesse en résultant est indécente chaque fois qu'un être humain meure de sous-alimentation.

On se demandera aussi, lorsqu'il écrit que le «capitalisme» est le régime dans lequel «VOUS êtes tolérés», si le régime Pinochet était un régime tolérant. Et s'il appelle tolérance, ici même, le fait d'être arrêté systématiquement lorsqu'on conteste l'ordre établi en manifestant. Les termes capitalisme et démocratie ne sont pas des synonymes. Et que l'Occident regorge de régimes prétendument démocratiques, où la dissidence est soumise à une répression politique et policière qui ne se restreint pas à être mitraillés un 4 juin 1989 sur la place Tiananmen.

On pourrait aussi se demander pourquoi il faut trimer si dur alors que les moyens dont nous disposons n'ont jamais été aussi sophistiqués. À quoi bon travailler 80 heures par semaine afin de posséder des biens de consommation dont nous ne jouirons pas, faute de temps? Un temps que nous devrions tous prendre pour penser collectivement le monde différemment, puis le transformer.

Faire partie de la solution, c'est d'abord reconnaître qu'on a un problème.