Trois organismes se sont associés pour faire enquête sur la «répression policière» pendant les événements du printemps 2012. L'Association des juristes progressistes, dont les membres recommandaient le non-respect des injonctions en mai-juin dernier et défendaient ceux et celles qui se rendaient coupables d'outrage au tribunal. L'ASSÉ, une association étudiante reconnue pour son refus systématique de condamner la violence militante et de dénoncer les casseurs, et dont l'objectif est une révolution anarchiste pour renverser l'État et le capitalisme. Et la Ligue des droits et libertés, dont la propension à critiquer le travail des policiers et de l'État est telle qu'elle a remplacé la Tour de Pise comme symbole du penchant systématique.

On croit rêver quand on constate l'espace médiatique accordé à leurs divagations et quand on accorde une quelconque crédibilité à une «enquête» si éminemment partiale, dans laquelle un des enquêteurs est à la fois juge et partie.

Ces organismes ont mené une enquête auprès des manifestants qui auraient été intimidés, humiliés et même blessés physiquement ou psychologiquement. Bien sûr, tous ces témoins sont des victimes innocentes de la «machine à répression» et aucun d'entre eux n'a commis de délit, n'a agressé ou nargué les policiers, ni n'a empêché les autres étudiants de jouir sans entrave de leurs droits et libertés. Que des agneaux immolés par une machine implacable décidée à «criminaliser la contestation sociale».

Mais comment donc ces martyrs ont-ils été sélectionnés pour présenter leur version des faits et, surtout, leurs dépositions ont-elles fait l'objet d'une contre-vérification? Nos vaillants enquêteurs ont-ils aussi mené leur investigation impartiale auprès des étudiants qui ont été harcelés et intimidés par les carrés rouges et qui ont été incapables de faire valoir leur point de vue dans des assemblées hostiles et paquetées, pour constater les séquelles laissées par cette violence verbale et même physique?

Ces «regroupements sociaux» dénoncent le fait que les manifestations du printemps 2012 (plus d'une centaine) ont donné lieu à 3509 arrestations et 2433 constats d'infraction, soit en moyenne au maximum 35 arrestations et 24 verbalisations par manif. On admettra qu'on est loin du Chili de Pinochet ou de l'Argentine des colonels.

Ils réclament deux enquêtes, une sur les «abus policiers» et les «violations des droits et libertés» supposément commises par les forces de l'ordre, mais évidemment aucune sur la provenance des casseurs et la collaboration des associations étudiantes ou des syndicats à la violence de la rue, et l'autre sur le «profilage politique», un concept qui serait amusant s'il n'était stupide.

Ils revendiquent aussi l'«interdiction immédiate de l'usage de balles de plastique, des grenades assourdissantes et autres armes à létalité réduite», tout en exigeant l'«abrogation immédiate du règlement P-6 de la Ville de Montréal et des autres règlements municipaux limitant le droit de manifester», dont l'objectif est précisément de civiliser les manifestations et d'empêcher les dérapages qui nécessitent l'emploi de la force par les policiers.

Et finalement, ils recommandent aussi l'abandon de la quasi-totalité des poursuites, comme si l'appareil judiciaire était incapable de faire la part des choses.

Ceux qui prétendent que «la confiance envers la police a été ébranlée» font cette constatation à partir d'un bien maigre échantillon. De plus, ils devraient méditer ces propos du préfet de police de Paris après la nuit des barricades du 11 mai 1968 où il n'y eut aucun mort: «La violence, c'est le prix que nous avons payé au refus, de part et d'autre, de tuer».