Le gouvernement conservateur veut faire payer la totalité des coûts de construction du nouveau pont Champlain aux automobilistes québécois. Les Québécois débourseront les 3 à 5 milliards de dollars nécessaires à sa construction par le biais d'un péage routier. Ce choix peut sembler logique si l'on se réfère au principe de l'utilisateur-payeur.

Or, il s'agit d'une véritable arnaque qui occulte les responsabilités du gouvernement fédéral, non seulement dans l'entretien défaillant du pont qui précipite son remplacement, mais aussi dans l'aménagement de la voie maritime du St-Laurent.

Dans le cadre actuel des choses, le gouvernement fédéral fera payer aux Québécois et aux Montréalais l'onéreux rehaussement de 40 mètres indispensable pour assurer le libre passage des bateaux sous le pont, alors qu'ils auront été les principales victimes de l'aménagement de la voie maritime.

Sans la voie maritime, le pont Champlain coûterait au moins deux fois moins cher, car le pont et ses approches seraient plus courts, le pont serait plus bas et il n'y aurait pas de superstructure d'acier. Près de 159 000 véhicules feraient chaque jour l'économie de la consommation de carburant requise pour grimper soir et matin l'équivalent du cap Diamant à Québec.

Mais surtout, le port de Montréal redeviendrait le plus important port céréalier d'Amérique du Nord et les chemins de fer convergeraient à nouveau vers Montréal. Sans le pont Champlain dans sa configuration actuelle, la plupart des 65 ports actuels des Grands Lacs ne seraient que des marinas. Les bateaux termineraient leur route à Montréal et repartiraient vers l'océan du même endroit.

Les fabricants de textiles de Liverpool en Angleterre livrent maintenant leurs marchandises directement à leurs clients à Chicago. En avril 2012, un bateau océanique s'est chargé d'une cargaison de blé à Thunder Bay en Ontario pour la transporter directement à Porto-Rico. Et le minerai de fer qui attend à Baie-Comeau, Port-Cartier ou Sept-Îles est livré directement aux aciéries de Hamilton, Sault-Ste-Marie, Cleveland ou Detroit.

L'ouverture de la voie maritime du Saint-Laurent a déplacé le centre économique du Canada vers l'ouest, en pénalisant Montréal, Québec et les autres ports du Saint-Laurent.

Il serait odieux que le gouvernement fédéral demande aux Québécois de commanditer de leurs poches, à chacun de leurs déplacements, l'essor économique de Thunder Bay, Toronto et Sault-Sainte-Marie. La voie maritime est une infrastructure fédérale : c'est donc au gouvernement fédéral et à lui seul de payer !