Comme de nombreuses familles québécoises, nous avons ramassé nos sous cette année et nous nous sommes envolés vers la Floride et le merveilleux monde de Disney pendant la relâche scolaire.

Un midi, dans le très vaste parc thématique Animal Kingdom, nous étions tous assis autour d'une table dans un faux restaurant asiatique. Ma conjointe et moi avions indiqué nos choix au menu à la jeune serveuse, de même que ceux de nos deux plus jeunes enfants (6 et 8 ans).

Puis, ma grande de 12 ans s'est exclamée d'elle-même: «I would like to have the vegetable stir fry, please!». À ma surprise s'est mêlé un sentiment de fierté de la voir se débrouiller si bien par elle-même en anglais.

L'an dernier, en 6e année, ma grande fille a suivi le programme d'enseignement intensif de l'anglais. Environ la moitié de l'année scolaire est consacrée à l'apprentissage de l'anglais, puis les jeunes complètent leur apprentissage normal jusqu'en juin. C'est un choix que sa mère et moi avons fait, car nous croyons qu'il est important de bien outiller nos jeunes et de leur donner toutes les chances de bien réussir dans leur vie adulte.

Ce choix s'est fait avec l'accord de notre fille, pour qui cela allait demander des efforts supplémentaires: plus de travaux, de devoirs, et une vie scolaire in english de la rentrée jusqu'après les Fêtes! Un an et un stir fry plus tard, nous ne regrettons pas notre choix!

Paradoxalement, je trouve que le gouvernement actuel a bien agi en maintenant facultatif l'apprentissage de l'anglais intensif en 6e année. Pas que je partage les craintes de ceux qui voient dans l'apprentissage de l'anglais une menace pour la santé du français de nos jeunes. L'avantage réside plutôt dans ce choix que chaque parent peut faire pour ses enfants. J'y vois un élément de liberté individuelle plutôt que de contrainte. Un élément de responsabilisation des parents dans l'éducation de leurs enfants.

Je suis un peu exaspéré par les brandisseurs d'épouvantails et de grandes catastrophes linguistiques. On ne donne pas assez de crédit aux jeunes. Ils sont intelligents, curieux et capables d'en apprendre plus qu'on pense. Apprendre l'anglais a-t-il mis ma fille en retard par rapport aux autres matières? Le cerveau d'un enfant est-il réduit à un espace fini où ne peuvent coexister plusieurs espaces d'apprentissage? Pas vraiment, car elle débute actuellement un programme enrichi au secondaire.

Pourtant, c'est une jeune adolescente bien normale, pas une surdouée au QI hypertrophié. Aurait-elle pu plutôt cheminer sur la voie d'un «français intensif», comme certains le suggèrent? Sûrement. Elle aurait pu découvrir encore plus la richesse de sa langue, apprendre par exemple les racines latines des mots qu'elle utilise. Encore ici, c'est une question de choix. Elle aura elle-même la liberté d'approfondir ses connaissances en la matière si le goût lui en dit dans quelques années. Et en attendant, comme parent, je peux m'efforcer de l'encourager à aimer sa langue maternelle et à mieux la connaître.

Je n'ai donc pas vu l'anglais intensif comme une menace pour la francité de ma fille, mais au contraire comme une opportunité d'en faire une meilleure francophone. Une qui est capable de s'épanouir dans un monde où la communication se fait la plupart du temps en anglais. Une qui est surtout mieux outillée pour aller au-devant de l'autre, celui qui semble faire si peur à tant de Québécois épris de la langue française. C'est pourtant à travers l'autre que nous pouvons mieux nous définir, mieux apprécier la valeur de notre identité culturelle.

Pour ma fille, cela a commencé avec une serveuse dans un resto pseudo-asiatique à Disney. Je ne l'ai jamais aussi sentie Québécoise qu'à ce moment!