La ministre Agnès Maltais a annoncé qu'un maximum de 90 jours serait désormais autorisé pour les thérapies fermées en centres de dépendances pour les bénéficiaires de l'aide sociale. Au-delà de ce temps alloué, il n'y aurait plus de financement.

La toxicomanie est une problématique qu'on ne peut caser dans une série de formulaires ou de jours de calendrier.

J'ai coordonné un projet visant la prévention du brassage des petits bébés. Entre 1996 et l'an 2000, il y avait eu une augmentation de 300% du nombre de cas, selon l'hôpital Ste-Justine. Cette triste statistique ne s'est pas améliorée depuis.

Or, dans la majorité des cas relevés, la consommation de drogues était un facteur récurrent. Pire, lorsqu'il y avait consommation, il en résultait une aggravation des gestes de violence et de négligence, et hélas, il y a eu ainsi des morts de bébés et des séquelles graves pour d'autres.

Les centres de dépendances font un travail essentiel auprès des futurs parents et aussi auprès des parents «poqués». En les accueillant même avec leurs bambins et leurs enfants pendant une période de six mois, ils les aident à plusieurs niveaux.

Ces parents ne souffrent pas seulement de leur dépendance, ils souffrent de toute leur «vie». Ils ont parfois cumulé des chaos et des souffrances depuis leur enfance, de leur adolescence et depuis le début de leur vie d'adulte. Et cela envahit vraiment leur quotidien.

Prendre décision d'aller dans un centre fermé pour guérir est un acte de courage, parfois fragile.

L'équipe d'intervenants appuiera ce parent et l'aidera dans sa volonté de «guérir sa vie».

J'ai pu constater la renaissance de certains parents aidés par ces centres. Mais ces équipes d'intervention psychosociale ne sauraient travailler avec une épée de Damoclès leur ordonnant de cesser tout traitement au bout d'un maximum de 90 jours, comme décrété par Mme Maltais. Car alors, selon la ministre, on devra retourner chez eux des familles à risque (bébés, enfants et parents) , au milieu d'un processus bien entamé de thérapie profonde, et on devra ainsi les abandonner à leur propre sort?

On prendrait ainsi le risque de laisser les enfants auprès de ces parents en processus de thérapie inachevé. Ou encore, se hâterait-on de retirer les enfants de ces familles dont les parents se sont pourtant motivés et conscientisés à leur problématique de consommation, juste au cas où?

Imaginez ces enfants séparés et placés en familles d'accueil... On retrouverait leurs parents déprimés et vulnérables parce que la thérapie était incomplète et qu'ils n'ont pas eu les moyens de la poursuivre. La rechute devient prévisible, ce qui entraîne ensuite la chute sociale et économique. Bris de la famille, rupture des tissus sociaux, dépression, larcins, prostitution, coûts juridiques, emprisonnement, psychiatrie, itinérance... Des coûts sociaux imposants, bien plus que ces coupes inacceptables.

Et puis, avant tout processus d'aide, ces parents oseraient-ils désormais dévoiler leur dépendance, sachant le risque que cela portera à leur parentalité? Sachant qu'ils auraient alors moins de chance de guérison dans ces thérapies écourtées, ces parents vont-ils essayer de sortir de leur toxicomanie?

Le taux d'échecs de ces thérapies, au processus interrompu, n'irait-il pas en augmentant? Cela sous-entendrait qu'il y aurait alors un gaspillage de fonds publics en démarrage de thérapies, puisqu'aucune thérapie ne serait financée adéquatement par le projet Maltais.

Pour la société, pour ces familles et surtout pour leurs enfants, c'est une très mauvaise décision de la part de la ministre Maltais.

Ce gouvernement, mal conseillé, doit vraiment trouver une autre façon de réduire ses dépenses.