Indépendamment des connotations idéologiques implicites ou explicites qui y sont associées, il apparaît de plus en plus clairement que certaines manifestations dans les rues de Montréal prennent de plus en plus la forme de sports extrêmes urbains ritualisés. Ces rituels, que le sociologue David Le Breton qualifie d'ordalies, c'est-à-dire de recherches de sens fondamentales, ne sont pas étrangers à l'affaiblissement des liens sociaux (dans la famille, l'école, etc.) et à la perte de fonction de production de sens auparavant assurée par des institutions comme l'Église catholique.

Les agents du contrôle social, le Service de police de la Ville de Montréal en particulier, se trouvent à assumer une fonction qui ne fait pas partie de leurs habituelles pratiques de prévention et de répression de la déviance ordinaire. Il s'agit d'encadrer des rites dans lesquels en prenant des risques, certains individus recherchent le sens perdu ou dégradé de leur vie. Là où se déploient leurs jeux, jeux alimentés par des fantasmes de destruction et d'incendie, des policiers et policières se trouvent aussi à risquer leur santé et leur vie.

Il y a là un problème social inédit qui dépasse largement les responsabilités d'un service de police. Par ailleurs, le rôle pacificateur d'un anarchopanda ou des acteurs urbains du «Rabbit Crew», s'il est significatif, n'est aucunement en mesure de réguler une ritualité qui est à haut risque de déraper, notamment lors du «carnaval antipolicier» qu'est la «manifestation contre la brutalité policière», le 15 mars.