L'idée qu'il était possible de rendre l'administration publique semblable à la gestion du secteur privé a été mal inspirée, mal avisée et coûteuse pour les contribuables.

La gestion du secteur privé se soucie uniquement du résultat financier et des parts de marché. L'administration du secteur public est une affaire d'opinion, de débat, et une question d'éviter le blâme dans un contexte politiquement chargé.

Dans le secteur privé, peu importe qu'on se trompe 40% du temps, à condition de rapporter de beaux profits et d'augmenter les parts de marché. Dans le secteur public, peu importe que l'on ait raison 99% du temps, si le 1% du temps où l'on a tort donne lieu à un débat politique houleux à la période des questions et dans les médias. Le scandale des commandites, qui a dominé les médias entre 2004 et 2005, en fournit un exemple éloquent.

De nos jours, les fonctionnaires produisent toutes sortes de rapports et se démènent avec diverses obligations redditionnelles pour s'inventer un résultat financier. Résultat: Ottawa compte un surplus de hauts fonctionnaires du Parlement (de 8 à 14, selon la personne qui fait le compte) et déborde de méthodes de reddition de comptes et de surveillance, et de rapports sur le rendement et de rapports d'évaluation.

Chaque année, des centaines de rapports sont charroyés au Parlement, où personne ne les lit dans la plupart des cas, à moins que l'un d'entre eux ne contienne des renseignements susceptibles d'embarrasser le gouvernement.

Shawn Murphy, ancien président du Comité des comptes publics du Parlement, a déjà mis des fonctionnaires au défi de laisser des pages blanches dans leurs rapports pour voir si quelqu'un le remarquerait. Il était persuadé que personne ne s'en rendrait compte.

Le vocabulaire professionnel au sein du gouvernement a au moins permis aux gestionnaires d'accroître furtivement les activités du gouvernement. L'examen effectué par le gouvernement Chrétien-Martin (1994-1998) s'est traduit par l'élimination de 45 000 postes, mais lorsque Stephen Harper a lancé son propre examen en 2011, les services gouvernementaux s'étaient accrus de plus de 70 000 postes. Des milliers de nouveaux postes de surveillance ont été créés à Ottawa pour gérer divers processus de reddition de comptes.

Les valeurs traditionnelles de la fonction publique ont été jetées à la poubelle, y compris l'engagement envers une culture de la parcimonie. Les efforts pour rendre le secteur public semblable au secteur privé sont venus perturber deux rôles distincts que les secteurs public et privé ont assumés à travers les âges. Les fonctionnaires ont perdu leurs repères, ne sachant plus exactement comment ils doivent maintenant évaluer le rendement des gestionnaires, comment ils doivent fournir des conseils stratégiques, comment ils doivent collaborer avec leurs maîtres politiques et comment ils doivent dire la vérité au pouvoir politique et même à leur propre institution.

S'il y a une chose qu'on puisse dire, c'est que les récentes réformes de la gestion au sein du gouvernement ont amené les fonctionnaires à ressentir envers leur institution des sentiments plus mauvais qu'il n'est nécessaire.

En conséquence, la fonction publique en tant qu'institution a rompu ses amarres traditionnelles. Se contenter d'affirmer que les gestionnaires du gouvernement doivent suivre l'exemple de leurs homologues du secteur privé, sans changer fondamentalement le fonctionnement des institutions politiques et administratives, était et demeure une recette infaillible pour un échec coûteux.

Une telle approche entraîne une hausse vertigineuse des coûts indirects du gouvernement, qui ne peut être attribuée aux programmes et aux services offerts au public.