Un pape démissionne. Si les médias sont avides de nouveautés, ils sont servis.  Une première depuis près de 600 ans. C'est déjà marquer une avancée extraordinaire dans cette institution très sacrale qu'est l'Église catholique romaine, la plus ancienne institution en Occident. Benoît XVI surprend par la nouveauté du geste. Est-ce un gage de renouveau pour la suite?

Il n'est pas de sujet plus difficile à traiter que celui du renouveau d'une religion. S'agit-il d'un renouveau doctrinal, moral, organisationnel, et sur quel point, pour quoi, pour qui? Organisation mondiale implantée dans tous les continents, l'Église catholique romaine est confrontée à une vaste gamme de défis et de pressions, souvent contradictoires.

Outre ce geste réformateur de la gouvernance habituelle de l'Église qu'il vient de poser, Benoît XVI a réformé le dispositif régissant les réponses déficientes de plusieurs églises locales au scandale des agressions sexuelles, tâche titanesque et urgente. Il a montré une ouverture relative à la protection par le condom dans des entrevues publiées dans un livre (le même où il a énoncé qu'il n'hésiterait pas à démissionner pour des raisons de santé), il a travaillé au progrès des relations entre les églises d'Orient et d'Occident. Il a poussé très loin le dialogue philosophique et culturel sur la sécularisation et l'affaiblissement du religieux perceptible dans plusieurs pays d'Occident, surtout la vieille Europe. Il a établi un dialogue plus poussé avec les musulmans.

Il a opéré mille et une petites réformes dont nous n'entendrons jamais parler.

Mais tout cela paraît à plusieurs bien loin des préoccupations de l'Église catholique du Québec. Celle-ci paraît faire face à une importante crise de leadership. Du fait du peu de vocations de type traditionnel, c'est le leadership des communautés chrétiennes qui se trouve en souffrance. Peut-on espérer un élargissement de la conception du leadership, limité jusqu'à maintenant au ministère ordonné (les prêtres)? Ici, on a l'épiderme très sensible à la question de l'égalité entre hommes et femmes. Que peut-on attendre de ce côté?

Il serait illusoire d'espérer à court terme une ordination des femmes. L'Église anglicane a perdu un grand nombre de ses membres pour l'avoir instituée, et le catholicisme romain craint de tels ébranlements (même si les raisons évoquées pour le refus sont surtout doctrinales).

Une réforme de l'institution diaconale pourrait cependant se faire, plus doctrinalement acceptable dans le contexte actuel. Le diaconat est une fonction peu connue ici dans l'Église, et qui permet d'assurer un service important avec et en l'absence du prêtre. Le nombre de diacres a d'ailleurs augmenté de manière considérable ici et ailleurs. Or, si les épouses des diacres mariés les accompagnent tout au long de la formation, elles ne peuvent être diaconesses elles-mêmes. Voilà un renouveau à espérer.

Plus largement, en tablant uniquement sur le prêtre pour assumer les fonctions les plus vitales, surtout dans le domaine liturgique, l'Église catholique se prive de ressources d'intelligence et de célébration des rituels.

Quant à la morale sexuelle, on ne peut s'attendre à ce que l'Église ne délaisse ce qu'elle considère comme le centre de la vie humaine, soit la famille. On peut néanmoins espérer qu'elle assouplira ses normes en ce qui a trait à sa vision de la famille, notamment aux divorcés remariés et à la sexualité.

Mais ne perdons pas de vue que le renouveau religieux ne peut plus garantir le succès religieux. Notre monde global et son rapport à la religion changent rapidement: ce rapport est plus fluide, plus volontaire, plus ponctuel, moins stable et moins communautaire. En tel contexte, le prochain pape devra tenter de maintenir le gros navire en équilibre, entre tradition et renouveau.