L'exploitation des ressources naturelles modifie en profondeur la distribution de la richesse au Canada. La dimension politique du phénomène est mal comprise. Sous nos yeux, le pétrole est en train de redéfinir les grands débats de la politique nationale.

La pleine mesure de ces changements n'est pas encore perceptible et le discours peine à s'ajuster. Il faudra y venir rapidement puisque l'exploitation du pétrole et les revenus qui en découlent sont source de polarisation et d'affrontements.

Le déclin du secteur manufacturier est durement ressenti en Ontario et au Québec. Les études montrent que l'appréciation de près de 60% du dollar canadien en 12 ans - il se transigeait à 61 cents en 2001 - n'est que pour moitié causée par la hausse des prix des ressources et en particulier du pétrole. Dans les faits, c'est la faiblesse du dollar américain qui est le principal responsable l'augmentation de la valeur de notre devise. Mais cela importe peu, le débat politique produit sa propre vérité.

Bien que Thomas Mulcair ait eu tort quand il affirmait que l'économie canadienne souffrait du «mal hollandais», il a capté l'attention, annonçant à terme un débat sur le déclin du secteur manufacturier et les pertes d'emplois. Il est peu probable que des mesures visant à augmenter la productivité puissent compenser les facteurs structurels de déclin.

C'est pourquoi il sera difficile pour les provinces du centre à se résoudre à la perte d'influence politique qui accompagne le déplacement inexorable de l'activité économique vers l'ouest.

La péréquation est le programme qui, pour plusieurs, est au centre du fédéralisme fiscal canadien. En accentuant la disparité économique, les revenus provenant des ressources naturelles modifient les capacités fiscales des provinces. C'est en se basant sur les capacités fiscales que les versements de péréquation sont calculés. Voilà pourquoi l'Ontario «riche» a reçu 2,3 milliards de dollars en 2011-2012 (7,6 milliards pour le Québec), alors que Terre-Neuve «la pauvre» ne reçoit rien. Le système en place renforce l'impression que ce sont les provinces dont les revenus proviennent en grande partie de l'exploitation des ressources naturelles qui paient pour les autres.

Le Globe and Mail posait récemment la question: «Les provinces qui ne souhaitent pas développer leurs ressources non renouvelables devraient-elles tirer profit des provinces qui exploitent ces ressources?» Les débats opposant les provinces entre elles et le gouvernement fédéral à toutes, qui entoureront les discussions devant mener au renouvellement des principaux transferts fédéraux prévus en 2014, seront intenses.

La troisième source de division appartient au domaine de l'environnement. Greenpeace affirme: «L'exploitation des sables bitumineux est une catastrophe écologique mondiale. [...] L'industrie des sables bitumineux génère [...] plus de CO2 que toutes les automobiles du pays». Cette opinion est probablement partagée par une large partie de la population canadienne. Autant il est caricatural d'affirmer que les populations de l'Alberta sont insensibles aux émissions de GES, autant il est normal que des résistances se manifestent devant la menace de limiter la production.

Au moins deux sujets vont alimenter la controverse: la construction d'un pipeline à travers les Rocheuses pour acheminer la ressource vers l'Asie et la distribution du pétrole «sale» de l'Ouest aux consommateurs de l'Est.

Le pétrole remet donc en question l'interdépendance et la solidarité qui fondent le projet fédéral. Il serait heureux que nos dirigeants prennent rapidement la mesure de ces défis.