Les vrais mots ont été dits lundi, les mots dont nous nous doutions tous, mais que personne ne voulait vraiment entendre... Les traitements ne fonctionnent pas, il n'y a plus aucune cure possible. Donc, à partir de ce jour, le décompte était commencé.

Lorsque je suis arrivée à l'hôpital vers 18h30, le Dr Denis Soulières venait tout juste d'annoncer la triste nouvelle à Louis-Philippe. Inutile de vous dire que l'atmosphère était lourde; toute la famille était près de lui, de même que son amoureuse. Je me suis assise près de lui, je lui ai tenu la main, je l'ai regardé dans les yeux, mais je n'ai rien dit. Je n'ai rien dit parce qu'il n'avait rien à dire. Il m'a souri de ce sourire que l'on fait lorsque l'on essaie de se convaincre qu'une défaite n'est pas si grave.

Après quelques minutes, il m'a dit: «Francine, promets-moi que tu vas concrétiser le projet pour que la Chaire de recherche* voie le jour.» J'ai mis ma main sur mon coeur et je lui ai promis.

Impossible de prévoir combien de temps il lui restait en terme de minutes, d'heures, de jours, mais ce que l'on savait, c'est que ce temps serait trop court. Il s'est éteint hier matin.

Louis-Philippe avait 27 ans, il avait un avenir plus que prometteur devant lui et il était bourré de talents. Louis-Philippe a été en rémission pendant plus de 25 ans après avoir combattu son premier cancer à l'âge de 9 mois, puis du jour au lendemain ce cancer s'est réveillé en envahissant son corps de façon fulgurante, sans laisser aucune chance aux médecins d'intervenir.

Comment est-ce possible, encore aujourd'hui en 2013, que nous ne puissions rien faire 25 ans plus tard? Comment expliquer que la science soit encore impuissante face à cette maudite bibitte? Que faut-il changer dans notre façon de faire, dans notre façon de traiter ces enfants devenus de jeunes adultes? Il y a trop de questions sans réponses valides et trop peu de moyens pour que les médecins et les chercheurs puissent répondre à ces interrogations.

Pour ceux qui doutent - ne serait-ce qu'un instant - de la nécessité d'investir dans la recherche et de l'importance de continuer la guerre aux maladies, essayez un instant de vous mettre à la place de Louis-Philippe ou du Dr Soulières lorsqu'il a dû se résigner à lui annoncer la terrible nouvelle.

Puisqu'il est impossible d'accepter l'inacceptable, la seule façon de nous battre contre cette impuissance est de nous retrousser les manches et de donner les moyens aux médecins et aux chercheurs d'empêcher qu'un autre Louis-Philippe ait un jour à subir un sort pareil.

***

C'est entouré de sa famille et de son amoureuse que Louis-Philippe s'est éteint jeudi matin au lever du soleil. Il s'est envolé doucement, sereinement, avec la certitude que son courage et sa détermination lui survivraient en inspirant l'espoir à travers la chaire de recherche.

*La Chaire Louis-Philippe Janvier, qui verra le jour au printemps 2013, étudiera de nouveaux protocoles de recherche et médicaments, tout en examinant les causes du cancer chez les 18-30 ans et en développant des soins adaptés à ce groupe d'âge. Parrainée par la Fondation des Gouverneurs de l'espoir, la chaire Louis-Philippe Janvier sera sous la responsabilité du Dr Denis Soulières.