Dans une récente chronique, Alain Dubuc propose de briser le monopole de la Société des alcools du Québec, en suggérant, par exemple, l'ouverture du marché à des petits cavistes, mais seulement si cette formule permettait à l'État de recueillir les mêmes revenus.

Voilà une idée que je défends depuis plusieurs années. Dans une étude en mars 2012, j'avais justement estimé l'impact d'une telle libéralisation sur les finances du gouvernement du Québec.

La libéralisation partielle du marché consiste à autoriser de petites boutiques de vin (cavistes) à importer, distribuer et vendre librement des vins et des alcools au Québec, parallèlement à la SAQ. Ce réseau de cavistes permettrait d'offrir aux consommateurs québécois une plus large diversité de vins et d'alcools à des prix plus abordables, et de bénéficier d'un service à la clientèle dynamique et plus personnalisé.

Sur le coup, il est vrai que la concurrence des cavistes se traduirait par une baisse des prix, menant à une réduction des marges bénéficiaires de la SAQ, et donc des dividendes versés au gouvernement.

Mais les impacts d'une libéralisation sont plus vastes et, à terme, bénéficieraient à la société québécoise.

Le prix d'une bouteille de vin au Québec est excessif. Comme monopole, la SAQ applique une marge de 145% en moyenne sur le prix du vin, ce qui décourage un grand nombre de personnes à consommer du vin ou d'acheter des bouteilles de meilleure qualité.

Une baisse de prix stimulerait la demande de vin au Québec, tant en quantité, mais surtout en qualité, considérant l'engouement grandissant des Québécois pour la bonne table.

Le petit caviste a tout intérêt à promouvoir les vins qu'il choisit d'offrir à ses clients. Évidemment, son bénéfice est directement lié à son aptitude à vendre ses bouteilles. Mais au-delà de l'aspect commercial, le caviste choisit son métier souvent par la passion qu'il saura transmettre et partager avec ses clients. Sur le marché du vin au Québec, il nous faut de ces petits cavistes enthousiastes et connaisseurs, à l'instar de ce qui se fait dans la microbrasserie ou la fromagerie québécoise.

Ainsi, on attirerait une frange importante de consommateurs actuellement peu intéressés par le vin, soit à cause du prix trop élevé, soit par manque d'intérêt ou de connaissances oenologiques.

Malgré la baisse de prix, plusieurs clients se laisseront convaincre de garder le même budget pour le vin, afin de bénéficier de meilleures bouteilles. En élargissant la diversité et la qualité des produits, ces amateurs de vin pourront enfin goûter à toute la richesse de la culture viticole!

Par sa notoriété et sa présence partout sur le territoire québécois, la SAQ bénéficierait aussi de cette croissance du marché. Le déploiement d'un réseau de cavistes générerait de l'activité économique et la création d'emplois et se traduirait par des revenus supplémentaires pour le gouvernement.

Autre problématique: le système de monopole actuel défavorise nettement les vins québécois. De très nombreux producteurs québécois choisissent de ne pas distribuer leurs produits à la SAQ, en raison de la complexité du processus et des prix trop élevés fixés par la SAQ qui découragent le consommateur. Le réseau de cavistes assurerait une distribution et une visibilité beaucoup plus large et efficace des produits québécois qui généreraient des retombées économiques importantes sur l'ensemble de la filière agrotouristique du vin au Québec.