Un débat récent entre les candidats à la direction du Parti libéral du Québec (PLQ) sur l'enjeu constitutionnel a amené certains chroniqueurs et éditorialistes à déplorer la «résignation» et la «peur de la revendication», et à se demander si les «fédéralistes d'aujourd'hui ont complètement dédramatisé le changement de régime de 1982?»

Ainsi, selon cette logique, les «vrais» fédéralistes au Québec ne seraient que des fédéralistes au conditionnel. L'appartenance ou l'adhésion des Québécois fédéralistes au Canada passerait obligatoirement par la condition d'obtenir une réparation constitutionnelle éventuelle - ni plus ni moins par un marchandage permanent. Cela est absurde, pour au moins trois raisons.

Primo: le fédéralisme comme système politique ne doit pas être confondu avec l'enjeu identitaire et constitutionnel. Il s'agit d'abord et avant tout d'une conception politique et philosophique de la société qui a émané de grands penseurs libéraux tels que De Tocqueville, Hamilton et Proudhon. À la base, le fédéralisme est le produit du libéralisme. Il vise à limiter le pouvoir des États et à augmenter les droits des citoyens. Il est le produit d'une logique qui visait à contrer le pouvoir absolu et qui a résulté dans la création de grandes démocraties telles que les États-Unis, l'Allemagne, l'Australie et l'Espagne. Le système fédératif en tant que régime politique continue d'être largement bénéfique aux Québécois.

Secundo: les vertus du fédéralisme canadien dépassent largement la simple reconnaissance du caractère distinct du Québec. Si la mythologie autour de 1982 avait tant de résonance auprès des Québécois, par quel miracle sommes-nous encore Canadiens? Ce n'est pas qu'une reconnaissance éventuelle serait futile - elle est sans aucun doute souhaitable dans un monde idéal - mais doit-elle être conditionnelle à notre appartenance au Canada? L'avenir du Québec dans le Canada ne peut pas être conçu uniquement et exclusivement via le prisme réducteur de 1982. Les fédéralistes québécois ne doivent pas tomber dans le piège du fatalisme. Soyons francs: les souverainistes plieront-ils vraiment bagage une fois qu'un nouvel accord constitutionnel, aussi satisfaisant soit-il, sera conclu? Poser la question, c'est y répondre. Les fédéralistes qui rêvent à une certaine forme de nirvana constitutionnel une fois la grande messe conclue se leurrent inexorablement.

Tertio: l'insistance qu'ont les ténors souverainistes à recadrer le débat fédéralisme-souveraineté et la récupération politique autour de 1982 marquent un échec monumental de leur stratégie ancrée dans les vestiges du passé - et, encore pire, de la faiblesse de leurs arguments essentiellement défensifs en faveur de la souveraineté. On peut bien parler du rejet de 1982 (et pourquoi pas de la défaite sur les plaines d'Abraham!), mais qui, au quotidien, peut vraiment arguer que le Québec vit dans un goulag? Ne veut-on pas regarder en avant et cesser de vivre dans le passé?

Le Canada est certes perfectible, mais en fin de compte, ce n'est pas parce que le Québec «signe» la constitution ou non qui fera que les Québécois verront les avantages à rester Canadiens. Il ne s'agit pas de renier l'histoire, mais de se questionner sur ce qui est le plus susceptible d'assurer notre prospérité et qualité de vie collectives.