Près de 15 jours après le lancement de l'opération française au Mali, il est temps de dresser un premier bilan et d'en tirer les premières leçons.

La minutieuse préparation diplomatique a été remarquable. Après avoir répété qu'elle n'irait pas au Mali - la situation relevant des seuls Africains -, la France a finalement «cédé aux demandes répétées des Maliens eux-mêmes, des Africains, des Européens et des Américains». Auparavant, la visite officielle de François Hollande à Alger et ses entretiens avec le président Bouteflika avaient permis de lever le veto algérien contre une éventuelle «intervention française demandée par l'unanimité de la communauté internationale» et rendue urgente par l'imminence de la menace d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) sur Bamako.

Dès le déclenchement de l'opération, l'Algérie et la Mauritanie ont fermé leurs frontières avec le Mali. En dépit de la porosité de celles-ci, cette décision a eu pour conséquence d'enfermer les islamistes armés dans le nord du pays, réduisant sensiblement leurs chances de s'échapper. Dans le même temps, le mouvement des autonomistes touaregs s'est dit prêt à aider les Français dans leur volonté de contrer au Mali l'invasion des islamistes, y voyant ainsi pour eux une libération de leur joug.

La prise d'otages sur le site gazier d'In Amenas, dans le Sud algérien - prévue de longue date, bien qu'intervenue au lendemain de l'opération française - a eu un effet contreproductif. Habitués à solder le plus souvent leurs enlèvements d'Occidentaux par des paiements de rançons, les terroristes pensaient aboutir au même résultat avec les Algériens. Ils oubliaient cependant que ceux-ci sont fiers, orgueilleux et, surtout, susceptibles: on avait là touché un point sensible - le gaz - qui constitue le socle de leur richesse, eux qui se considèrent comme une grande puissance régionale. Or, l'Algérie a eu, huit ans durant, de 1992 à 2000, l'expérience d'une guerre sanglante et traumatisante contre les islamistes armés. Alger a donc lancé l'assaut sans chercher à discuter.

Les États occidentaux ont autant brillé par leurs discours de soutien à la France que par leur absence militaire sur le terrain. Afin de se donner bonne conscience, ils l'ont compensé par un appui logistique, ce qui ne pouvait qu'alléger le poids économique de cette guerre pour la France (400 000 euros par jour).

L'avancée des troupes françaises vers le Nord, malgré l'armement lourd des groupes terroristes, a semé la panique dans leurs rangs. Toutefois, c'est aujourd'hui qu'il faut se méfier, car, ainsi acculés, les islamistes armés pourraient transformer leurs combattants - ou les huit otages français qu'ils détiennent encore - en martyres pour causer davantage de dommages à l'assaillant.

Des écueils et des questions demeurent. Tout d'abord, les islamistes armés, à présent cernés, ne seraient-ils pas tentés de procéder à des opérations d'attentats suicide, qui leur éviteraient un emprisonnement prolongé et difficile à supporter? Pourchassés par les troupes françaises, perdront-ils pour autant leur pouvoir de nuisance? La prudence de l'état-major français semble tenir compte de ces risques.

Autre interrogation: que faire dans le Mali de demain? Va-t-on enfin reconnaître aux Touaregs le droit de se sédentariser dans leur territoire historique, le nord du pays? Si les frappes aériennes sont appelées à baisser en intensité assez rapidement, les troupes françaises vont-elles se retirer une fois le nord «nettoyé», quitter le champ d'opération ou bien accompagner les Maliens dans la reconstruction de leur propre armée et autres outils de défense et de sécurité? Ne seront-elles pas, dans ce cas, accusées de passer du statut de libérateur au rôle de néo-colonialiste?

La sortie de crise pourrait se révéler plus malaisée à gérer que les opérations militaires sur le terrain.

Enfin, les Algériens accepteront-ils d'accompagner, sans obtenir de garanties en contrepartie, ce processus délicat?

Les scénarios sont divers et multiples et on peut basculer, du jour au lendemain, du paradis à l'enfer, au moindre faux pas, qu'il soit militaire, stratégique ou politique.