Dans son texte, Sylvain Charlebois prétend nous éclairer sur « les risques factuels liés à la consommation biologique d'aujourd'hui ». Ayant mené des recherches sur le sujet, je me sens le devoir de rappeler certains faits.

Contrairement à ce que M. Charlebois prétend, de nombreuses études scientifiques démontrent les avantages de choix alimentaires biologiques. Le principal étant l'absence (ou la quasi-absence) de résidus de pesticides dans les aliments. Il est intellectuellement malhonnête de considérer les pesticides chimiques et naturels sans distinction. Même parmi les pesticides chimiques, leurs effets sur la santé humaine et sur l'environnement varient largement. Si certains se dégradent après un certain temps au contact de l'air, de la lumière et de l'eau, d'autres persistent dans l'environnement pendant plusieurs générations. C'est le cas du DDT (encore utilisé sur des aliments que l'on importe) ainsi que des organochlorés et organophosphorés.

Une étude publiée en 2010 dans le magazine scientifique Pediatrics soutient que les enfants exposés à des concentrations importantes de pesticides organophosphorés dans leur alimentation doublent leur risque de souffrir de troubles déficitaires de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). L'étude a été menée auprès de 1139 enfants de 8 à 15 ans. Selon l'Académie américaine des sciences, la principale source d'exposition des enfants aux pesticides est l'alimentation. Elle peut donc être en grande partie évitée en optant pour une alimentation biologique, comme le démontre à son tour une étude publiée dans le Environmental Health Perspective.

Dans le cadre de cette recherche, des scientifiques ont mesuré les résidus de pesticides organophosphorés présents dans l'urine d'enfants américains âgés de 3 à 11 ans. Lorsque les enfants étaient nourris avec des aliments conventionnels, des résidus de pesticides étaient « détectables » dans 91% des échantillons d'urine. Cinq jours après que ces enfants soient passés à une alimentation principalement biologique, les résidus de pesticides dans leur urine s'avéraient « non détectables » ou « quasi non détectables ». Manger bio fait donc une différence.

L'Environmental Protection Agency reconnaît que 112 types de pesticides enregistrés aux États-Unis sont identifiés comme étant cancérigènes ou susceptibles de l'être. Des liens sont établis entre la présence de pesticides dans l'environnement et l'augmentation des risques de cancers du cerveau, du sein, de l'estomac, de la prostate et des testicules, ainsi que de leucémie infantile. Plusieurs pesticides chimiques sont d'importants perturbateurs endocriniens. Jouant sur nos hormones, ils peuvent provoquer des effets en cascade sur notre système immunitaire (allergies), notre système reproducteur (troubles de la fertilité), mais aussi sur notre humeur et même nos facultés intellectuelles.



À la lumière de ces études, et pour de nombreuses autres raisons sociales, environnementales et économiques, il apparaît urgent de limiter l'utilisation des pesticides. Cette responsabilité ne peut pas reposer uniquement sur les épaules de quelques consommateurs mieux informés ou ayant les moyens d'acheter bio. Elle implique des choix de société qui doivent être éclairés par des études entièrement indépendantes de l'industrie. La création d'alternatives au modèle industriel dominant est devenue incontournable.

Voilà qui a de quoi déplaire aux cinq plus grandes compagnies agrochimiques - Syngenta, Monsanto, Bayer, BASF, et DuPont - qui, l'année dernière, ont versé plus de 780 000 $ à l'Université de Guelph, où M. Charlebois est vice-doyen.

Quant à l'argument concernant la salubrité, il va sans dire qu'il est essentiel de prendre soin des aliments, qu'ils soient bios ou non. Veiller à leur fraîcheur, leur nettoyage et leur réfrigération est une règle d'usage qui doit prévaloir pour tous les aliments. Il est évident que des aliments exempts de pesticides et d'agents de conservation chimiques ne peuvent pas demeurer sur les tablettes aussi longtemps que des produits industriels. C'est le gros bon sens !

En lisant Sylvain Charlebois, j'ai trouvé qu'il y avait de la fumée dans l'air, comme au temps des débats entourant les impacts de la cigarette sur la santé...