Dans le second débat de la course à la direction du Parti libéral du Québec, le candidat Pierre Moreau a évoqué l'idée de créer une commission d'enquête publique permanente sur la corruption. Bien qu'il faille encore discuter des détails qui permettraient à une telle commission d'être viable sous forme permanente, je ne peux qu'applaudir l'idée selon laquelle un mécanisme semblable devrait être créé pour faire suite à la commission Charbonneau.

Nous nous devons de rendre la lutte à la corruption permanente, et il s'agit là d'une façon intéressante de le faire.

Soyons réalistes: la corruption a toujours existé et elle existera toujours. Malheureusement, les efforts pour la réduire au minimum, eux, ne sont pas également soutenus à travers le temps. Lorsqu'une série d'histoires sur le sujet éclate dans les journaux, l'attention politique se concentre sur l'épineux dossier et des mesures sont mises en place afin de régler la situation. Malheureusement, une fois la poussière retombée et l'attention médiatique détournée, les criminels, eux, se remettent au travail et cherchent de nouvelles façons d'échapper aux règles nouvellement adoptées, et ce, sans être réellement inquiétés. Il nous faut mettre fin à ce cycle coûteux.

Il y a deux grandes catégories d'actions que nous pouvons prendre afin de combattre la corruption. La première stratégie est celle qu'a défendue le gouvernement libéral jusqu'à la création de la commission Charbonneau, et est celle qu'a évoquée à nouveau Raymond Bachand dimanche en insistant pour «qu'on laisse les policiers faire leur travail». Cette stratégie est logique, puisqu'une façon évidente de réduire l'attrait de la corruption est en effet d'augmenter les risques que les criminels se fassent prendre et condamner.

Il existe toutefois une deuxième façon, moins directe, mais tout aussi importante, de combattre la corruption: il nous faut collectivement et régulièrement rappeler à ceux qui seraient tentés de s'enrichir au détriment des contribuables qu'il s'agit là d'un comportement inacceptable et indigne.

Pour apprécier l'importance de s'offusquer régulièrement, il faut comprendre ce qui pousse des fonctionnaires ou des élus plutôt honnêtes au départ à être embarqués dans ce genre de système.

Lorsqu'un nouvel employé débarque au sein d'un département au sens de l'éthique plutôt élastique, il se fait rapidement indiquer que les pratiques douteuses dont il est témoin sont normales, que c'est «business as usual», comme on l'entend souvent à la commission Charbonneau. Bien sûr, ce nouvel employé sait que ces pratiques sont répréhensibles, mais cette connaissance n'est qu'une idée abstraite qui ne fait pas le poids à côté de son entourage immédiat, parfois même son patron, qui lui donne l'absolution pour se joindre au système. De plus, récemment encore, de très nombreux organismes publics ne possédaient même pas de guide d'éthique auquel les employés pouvaient se référer en cas de doute.

Par sa nature nécessairement fortement médiatisée, un mécanisme permanent qui exposerait au grand jour les pratiques de corruption permettrait de nous assurer qu'à intervalles réguliers, l'indignation des Québécois envers le vol des fonds publics se ferait entendre, et cette indignation constante viendrait faire contrepoids à la pression exercée sur ceux que l'on tente de corrompre.

Gageons que l'idée d'être convoqué devant cet organe ou d'apparaître au prochain Bye Bye avec les bas remplis d'argent sera tout aussi efficace pour prévenir la corruption que toutes les mesures administratives que nous pourrions imaginer. De plus, comme la commission Charbonneau l'a démontré, il existe un effet d'entraînement bénéfique qui incite certaines personnes à raconter ce qu'elles savent lorsqu'elles constatent qu'il y a un réel effort fourni afin de démanteler les réseaux corrompus. Il est à l'avantage de tous de rendre cet incitatif permanent.