Le Parti libéral du Québec voulait une course. Il l'a. Au sortir du deuxième débat, nous avons trois candidats de calibre qui ont des choses à dire, des habiletés certaines et qui doivent faire face à des questions sans complaisance.

Le premier débat, à Montréal, avait été l'occasion pour les candidats d'apprivoiser la formule en toute prudence. Raymond Bachand, bien servi par son passé de ministre des Finances qui l'avait amené à mettre son nez dans tous les dossiers, avait été le plus à l'aise. Dynamique différente au deuxième débat, tenu à Québec. Il commence à paraître que les trois candidats veulent le poste.

La stratégie de Pierre Moreau est évidente. Il sort le canon d'entrée de jeu pour faire réagir ses adversaires, les forçant à utiliser un temps précieux pour commenter ses propos. Ainsi en fut-il de sa proposition de rendre permanente la commission Charbonneau. Disons que sa conversion est spectaculaire! Mais ce candidat n'a pas que du bagou, il est à prendre au sérieux.

Quant à Philippe Couillard, il est redevenu lui-même. Dans la joute inaugurale, son éloignement de la scène l'avait amené à se réfugier dans les concepts propres à l'homme de science. Mais à cette reprise, on a retrouvé le politicien solide qu'il a été. Il a eu la plus franche analyse du passé en disant sans ambages que le refus obstiné du gouvernement à faire la commission d'enquête sur la construction avait contribué à aggraver le problème. Vrai que lui seul pouvait le dire, mais il a osé le faire.

Raymond Bachand aura semblé perdre du lustre, mais c'est surtout parce que ses adversaires ont gagné en aplomb. Toutefois, sa propension à s'attribuer au «je» les bons coups du gouvernement Charest avait quelque chose d'agaçant et Pierre Moreau lui a signifié.

Les candidats auront rivalisé de plusieurs idées sur plusieurs dossiers, de l'éthique à la fiscalité. Toutefois, c'est au plan philosophique que ce débat aura été le plus marquant. Sous Robert Bourassa, l'adhésion au fédéralisme comportait sa part de doute. On voit maintenant que le legs fondamental des années Charest se révèle une adhésion sans tourments au Canada.

Les trois hommes se sont livrés à une profession de foi fédéraliste, le candidat Bachand y mettant tant de ferveur que peu s'en fallut qu'il attribue à une erreur de jeunesse ses années de collaboration avec René Lévesque. Bien sûr, on veut que le Québec redevienne «un leader au sein du Canada», mais comme l'a dit Moreau faisant allusion au fédéral: «Quand on n'est pas content du gouvernement, on change de gouvernement, on ne change pas de pays».

Seul Philippe Couillard a insisté sur l'importance d'obtenir la pleine reconnaissance de la spécificité du Québec, lançant: «Je ne conçois pas, personnellement, qu'on puisse s'engager en politique québécoise sans penser à cet enjeu». Reprenant l'allégorie maraîchère, il a ajouté que c'était aux Québécois de faire mûrir le fruit en disant ce qu'ils sont et en allant le proposer au Canada. Sans quartier, M. Bachand a répondu: «Je ne mettrai pas mon énergie sur ça».

Tout de même, sur ce continent où parler français est un geste quotidien d'affirmation, les sympathisants nationalistes du PLQ - il doit bien en rester - auraient peut-être aimé qu'on se garde une petite gêne. Elle est peut-être bien belle, la maison canadienne, mais elle a néanmoins un vice caché qu'on ne peut pas ignorer... même au PLQ.