Le chroniqueur Alain Dubuc a été qualifié d'homme de droite après avoir suggéré qu'un prix unique pour les livres serait une politique défavorable aux lecteurs et à la lecture en général. Curieusement, le qualificatif d'homme de gauche aurait été plus logique puisque la politique du prix unique favorise les maisons d'édition et les libraires.

Ceci montre bien la confusion derrière ces termes gauche-droite. Cette confusion, nous l'avons aussi vu avec les «carrés rouges». Appuyer une politique de hausse des droits de scolarité tout en bonifiant les prêts et bourses pour la vaste majorité, sauf les plus fortunés, a été identifié comme une politique de droite!

En fait, lorsque l'on est en désaccord ou en manque d'arguments, le qualificatif dans un sens ou dans l'autre se présente comme la solution de sortie. Il s'agit d'un argument d'autorité. C'est une position de gauche, c'est une position de droite: fin de la discussion.

Ces termes ne sont pas les seuls utilisés pour clore les débats. On a aussi le fameux «contraire aux valeurs québécoises», sans trop définir ce qu'elles sont ou en laissant supposer, dans le cas de la solidarité, qu'elle nous est unique.

Même argument avec le slogan du choix de société où on a souvent l'impression qu'il signifie vouloir faire financer par les autres les services et biens que l'on désire recevoir ou consommer. Qu'est-ce à dire également des termes comme le néolibéralisme, la marchandisation de l'éducation...

Même le terme lucide est devenu péjoratif depuis le fameux Manifeste.

Persister dans ces simplifications ne nous conduira nulle part. Les Québécois sont majoritairement d'accord sur les grands objectifs de notre société: favoriser la croissance économique, assurer une redistribution des ressources et développer l'égalité des chances. La gauche n'a pas le monopole du coeur. La droite n'a pas le monopole de l'efficacité.

Ce n'est donc pas sur les objectifs que la dissension prévaut, mais sur les moyens de les réaliser. Les arguments d'autorité n'ont pas leur place. Faut-il une intervention de l'État? Faut-il laisser les marchés opérer? Tantôt, il s'agira de la première approche, tantôt ça sera la seconde. Dans d'autres cas, le modèle de la coopération sera à retenir. Ce n'est pas l'expression d'une opinion qui doit prévaloir, mais une approche scientifique et rigoureuse. La pensée unique dans une direction comme dans l'autre n'est pas la solution. Se blottir dans un camp ou dans l'autre par idéologie nous éloigne de nos objectifs communs.

Peut-on espérer sortir de ces qualificatifs vides et inutiles pour enfin espérer hausser le niveau de discussion? Les médias sont largement interpellés à cet égard. Il leur faudra cesser d'émettre des opinions sans retenue et promouvoir la polémique. Ils doivent se recentrer sur l'information et les débats d'intelligence.

L'expertise existe au Québec dans tous les domaines. Pourquoi trop souvent l'ignorer au profit de personnages publics oeuvrant dans le monde du divertissement? Que faire de l'opinion d'un artiste s'identifiant toujours de gauche sur la politique de l'eau au Québec, les sables bitumineux, le registre des armes à feu ou le salaire des recteurs? Ces artistes sont excellents dans leur domaine, pourquoi solliciter leur opinion sur la météo, voire le boson de Higgs?

Tous les médias sont invités à développer le leadership nécessaire pour hausser le niveau de la discussion publique. Ce n'est pas ce que nous avons vu dans la dernière année.