Parmi les objectifs d'un gouvernement, l'aide aux démunis, la répartition de la richesse et le maintien d'une certaine paix sociale sont des mesures incitatives collectives à la mise en place d'un système fiscal. Pourtant, il y a la fraude fiscale et l'évitement fiscal qui minent la performance de ce système en diminuant l'adhésion et la performance. Un cercle vicieux s'installe.

Mais quelles sont les raisons détruisant l'adhésion collective? Ce n'est pas parce qu'un mécanisme est légal, toléré ou impuni qu'il est pour autant moralement acceptable. Nous sommes dans une mentalité d'hypocrisie fiscale.

Lorsque le gouvernement canadien a mis en place le CELI (compte d'épargne libre d'impôts), on a vanté les mérites de cette mesure pour l'épargne des Canadiens. Ce principe passe très bien médiatiquement, mais pourquoi avoir mis en place une telle mesure? Le CELI était-il vraiment une façon d'aider les particuliers ou un acte pour calmer les revendications de l'industrie bancaire?

En effet, les mieux nantis avaient déjà un moyen d'éviter l'impôt en faisant une contribution excédentaire à une police d'assurance. Ainsi, les compagnies d'assurances avaient déjà la «chance» d'offrir à leurs clients l'opportunité de mettre des sommes à l'abri de l'impôt sous un certain plafond. Les banques n'aiment pas rester sur la touche, le CELI leur donne un outil pour faire une certaine concurrence dans le domaine.

Sous un autre angle, il y a aussi les fiducies familiales pour fractionner les revenus. Cette structure permet de cristalliser un gain en capital d'actions privées et de transférer le gain futur à des bénéficiaires. Et puis? Bien, cela permet de multiplier l'exemption de gain en capital de 750 000$ d'actions admissibles de petites entreprises par le nombre de bénéficiaires. En somme, cette mesure permet à une famille d'encaisser des millions à la vente d'une entreprise sans parfois payer un seul sou d'impôt sur le gain en capital. Même l'illusionniste Luc Langevin ne peut faire mieux comme tour de magie.

Les bureaux de professionnels nationaux sont aussi une belle façon pour les Québécois de payer moins d'impôts. Par exemple, un associé d'un grand bureau d'avocats ayant une bannière nationale aura un taux d'imposition marginal moins élevé qu'un salarié d'un revenu déclaré équivalent puisqu'il aura gagné une partie de son revenu en Alberta , même s'il n'y a jamais mis les pieds ou travailler pour un client de cette province.

Les propriétaires de PME et les travailleurs autonomes sont aussi des champions de l'étirement des règles fiscales. Les exemples sont multiples: enfants et conjoints salariés de l'entreprise alors qu'ils n'y travaillent pas, déductions de frais personnels dans la compagnie, rénovations de maisons personnelles aux frais de l'entreprise, etc. Il y a aussi les voitures immatriculées «F» utilisées à des fins personnelles, payées par l'entreprise, alors que le gouvernement stipule que ces véhicules doivent servir «principalement à des fins commerciales», etc. Je suis toujours surpris de voir des étudiants collégiaux et universitaires avoir de telles immatriculations sur leurs voitures.

Autre hypocrisie, la cotisation annuelle à 100% des REER et du CELI admissibles est souvent une utopie pour les jeunes familles et pour la plupart des ménages de la classe moyenne. En définitive, le dindon de la farce de notre système fiscal, c'est le salarié. Mais la véritable tête de turc, c'est le salarié payant un fort taux d'impôt sans pouvoir bénéficier d'avantages tels que ceux ci-dessus mentionnés. Mais notre fiscalité progressive est juste et équitable, n'est-ce pas? Pour qu'un système fiscal fonctionne, il doit donner justice et apparence de justice. Si certains peuvent faire un effort moins important en trichant, tous voudront tricher.