Depuis ce qu'il est convenu d'appeler «l'affaire Depardieu», nous avons assisté à un concert de réactions viscérales plus émotives que réfléchies de la part de donneurs de leçons plus prompts à trouver à redire chez les autres qu'à s'autocritiquer.

Quand Gérard Depardieu a tout d'abord annoncé son départ pour la Belgique, cela a mis en évidence les dysfonctionnements de l'Europe. La crise de l'euro, l'Europe à deux vitesses, les grandes entreprises qui délocalisent dans les pays où la main-d'oeuvre est moins chère en sont les exemples les plus frappants.

Un des principes de l'Europe est de faire une grande zone où, les diplômes étant équivalents, chacun peut aller travailler ou tout simplement habiter où bon lui semble. Un médecin a le droit d'aller travailler ou vivre dans le pays voisin; pourquoi un acteur n'aurait-il pas le même droit? C'est au nom de la volonté de sauver l'Europe que les pays les plus nantis sont venus à la rescousse de la Grèce. Si la fiscalité est différente selon les pays européens, cela prouve simplement que l'Europe est loin d'être une fédération (ou une confédération), mais qu'elle est plutôt un agrégat de pays jaloux de leurs autonomies respectives et cela la rend dysfonctionnelle.

Gérard Depardieu n'a pas enfreint la loi en décidant d'aller de l'autre côté de la frontière belge, d'autant plus qu'en théorie, il n'y a plus de frontières entre les pays du Marché commun. Son seul tort est d'avoir annoncé son départ en étant très célèbre.

S'il fallait vilipender avec le même zèle et traiter d'antipatriotes tous ceux qui choisissent de vivre là ou le fisc est plus clément, nombre de personnalités connues subiraient les mêmes foudres des donneurs de leçons: coureurs automobiles, joueurs de soccer et de tennis qui vivent à Monaco, chanteurs populaires qui vivent en Suisse, etc.

À ce compte-là, l'antipatriotisme peut revêtir bien d'autres formes: le Français qui achète une voiture allemande ou italienne est aussi antipatriote. Nous tous qui achetons régulièrement des produits fabriqués ailleurs qu'au Canada sommes des antipatriotes, car nous contribuons au déficit commercial du pays. Rares sont les «patriotes» au Canada et en Occident qui ne portent pas de vêtements fabriqués en Chine...

Quand le premier ministre français a qualifié de «minable» le geste de Depardieu, on ne peut pas dire qu'il se soit montré à la hauteur d'un chef d'État et on a envie de lui dire de plutôt s'attaquer aux vrais problèmes. L'exil fiscal est légal et à ce titre, il convient de le distinguer du système des paradis fiscaux qui minent les économies des pays et contre lesquels les gouvernements ne font rien. Ce genre de remarque insultante était de nature à pousser Depardieu à réagir et il l'a fait à sa manière en acceptant la main tendue de Poutine.

Il fut une époque, dans les années 50 et 60, où il était de bon ton d'être communiste. Et à partir des années 70, le monde des acteurs français est devenu majoritairement socialiste. On assiste plus récemment à des prises de position différentes d'acteurs très en vue (Clavier, Depardieu, etc.) qui se sont affichés avec des politiciens de droite.

Depardieu est l'un des plus grands symboles de la culture française. En même temps, il est l'un des plus grands acteurs de l'histoire du cinéma. Comme tel, il est chez lui partout à travers le monde. Ce citoyen planétaire est aussi chez lui à Montréal où il a reçu, au FFM, pour la première fois dans un festival, le Prix d'interprétation pour son rôle inoubliable dans le film Danton. Il est président d'honneur du FFM. Le gouvernement de Bernard Landry l'a honoré avec l'Ordre du Québec.