Le droit est l'un des trois piliers du caractère distinctif de la société québécoise, les autres étant la langue et la culture.  Caractérisé par un système juridique mixte où cohabitent droit civil et common law, le Québec est unique en raison de l'intégration harmonieuse des deux traditions juridiques et de la vitalité de celle possédant un statut minoritaire, en l'occurrence la tradition civiliste.

La vitalité de notre droit passe par des facultés de droit fortes.  Premièrement, bien entendu, pour assurer une relève juridique de haute qualité capable de pratiquer le droit au Québec en français ou en anglais.  Les juristes québécois, en plus d'assurer avec professionnalisme des services essentiels au bon fonctionnement du système juridique et de la société québécoise, ont essaimé et pratiquent un peu partout sur la planète.  Ils sont d'importants ambassadeurs de notre société.

De manière plus significative encore, des facultés de droit fortes sont nécessaires pour assurer le maintien du caractère distinctif de notre système juridique.  Un droit vit en grande partie par la recherche et les écrits dont il est l'inspiration.  La recherche rend possible la comparaison, la systématisation et la transformation du droit.  Elle permet de raffiner les outils à la disposition du législateur, de mieux comprendre les droits et obligations des justiciables et d'assurer une évolution cohérente et adaptée du droit.  Les chercheurs contribuent par ailleurs directement à la gouvernance et aux politiques publiques en intervenant en commission parlementaire, dans des commissions d'enquête et dans de multiples autres forums.

Des facultés de droit fortes sont d'autant plus importantes pour le Québec que la pratique juridique est en pleine mutation.  Un mouvement vers une pleine mobilité canadienne des juristes est en cours et devrait aboutir dans un avenir proche.  Occasion pour les juristes québécois, cette ouverture pourrait rapidement se transformer en menace pour le droit québécois si la vitalité continue de ce dernier n'est pas assurée.

Sous-financées

Les facultés de droit québécoises font énormément avec peu.  Si on les compare à la moyenne des facultés de droit canadiennes, les facultés québécoises ont en proportion un corps professoral 25% plus petit et des moyens financiers 40% moins importants.

Les coupes de 5,2% du financement des universités annoncées par le gouvernement lors du récent dépôt des crédits budgétaires auront un effet dévastateur sur les facultés québécoises.  Comme plus de 90% de leurs dépenses sont liées aux ressources humaines, les facultés ne pourront réduire celles-ci sans sabrer dans le personnel, les programmes et la qualité de la formation qu'elles offrent.

Elles devront notamment sabrer dans les enseignements cliniques et appliqués qui sont essentiels à la qualité de la formation; ces activités permettent aux étudiants de s'approprier le rapport avec le justiciable qui sera au coeur de leur pratique future et d'appuyer directement la mission de nombreux organismes communautaires.  Les bibliothèques de droit sont par ailleurs un outil essentiel à la formation de nos étudiants; elles constituent leur « laboratoire » et leur offrent une perspective globale sur l'évolution de la discipline.  Ces outils de formation fondamentaux seront mis en péril, sinon sacrifiés, par effet des coupes annoncées.

Nous comprenons les contraintes liées aux finances publiques et prenons acte de la décision gouvernementale de ne pas augmenter les droits de scolarité.  La réalité est toutefois que la vitalité de la communauté juridique et du droit québécois sont tributaires de la santé des facultés de droit québécoises et que les coupes annoncées auront sur celles-ci un impact catastrophique.