Theresa Spence, chef d'Attawapiskat, nous interpelle encore une fois sur le caractère troublant et inacceptable des conditions de vie affligeantes de nombre d'autochtones canadiens. Par un geste extrême, une grève de la faim, elle suscite cette polarisation automatique, à la grandeur du pays, entre victimes de l'arrivée de la civilisation européenne en Amérique du Nord, les autochtones, et les coupables de cette victimisation absolue, les non-autochtones et la civilisation moderne.

À cette grande messe morale à laquelle nous convie Mme Spence, s'associent immédiatement et sans nuance les bonzes des automatismes de la rectitude politique, ceux qui ont comme fonds de commerce de leur vertu la misère des autochtones les plus démunis. Pour eux, la compassion, la généralisation et les clichés font oeuvre de courage politique.

Le Québec compte environ 80 000 résidents ayant le statut d'autochtones, soit 1% de sa population. De ce nombre, moins de 20%, soit environ 15 000 personnes, habitent des réserves où la vie communautaire est empreinte de détresse sociale et économique. Toutes ces réserves sont nordiques, situées en régions périphériques et, pour la plupart, géographiquement isolées.

Les autres communautés autochtones du Québec affichent des revenus par habitant au moins comparables à la moyenne québécoise et pour une majorité, largement supérieure. Ainsi, lorsqu'il est rapporté que Mme Spence et son conjoint se sont octroyé une rémunération annuelle de 250 000$ pour gérer un village de 1600 personnes, il faut comprendre une rémunération équivalente à 550 000$ pour une personne qui paie des impôts et des taxes.

Le drame des autochtones et de notre société dans son ensemble réside dans cette équation économique surréaliste entretenue depuis 50 ans par les prêtres de l'orthodoxie autochtoniste. Pour ces derniers, l'important n'est pas de savoir, de démontrer à partir de faits historiques et sociaux ce que l'on affirme, mais plutôt de croire ce que l'on affirme. Une fois que l'on y croit parce que cela a été affirmé, cette croyance devient vraie et peut remplacer à la réalité des faits. Dans ce sens, l'autochtonie moderne se présente aujourd'hui comme une religion. Ou nous adhérons à tous ses préceptes, ou nous sommes considérés comme des individus sans compassion ou pire, comme affichant un comportement raciste.

C'est depuis le développement de la Baie-James et la victoire juridique des Cris sur le Québec que les autochtones du Québec ont construit de toutes pièces une fable sociale et historique leur octroyant le droit moral de s'inscrire en marge de toute responsabilité et contrainte citoyenne et les justifiant à n'en revendiquer que les avantages.

Ayant été dépossédés de leurs territoires ancestraux, privés de leur mode de vie traditionnelle, les autochtones s'estiment aujourd'hui légitimés de revendiquer des réparations financières considérables et permanentes. Avoir tous les avantages d'une citoyenneté canadienne et québécoise sans inclusion citoyenne responsable, voilà l'essence de l'utopie autochtone moderne.

Pourtant, la présence autochtone au Québec à l'arrivée de Cartier en 1534 et de Champlain en 1608 était insignifiante. Elle se composait d'au plus 1000 individus, essentiellement des Mohawks installés dans la partie sud de la Montérégie. Aucune des 11 nations actuellement reconnues par le gouvernement du Québec n'était présente de manière significative, continue et organisée sur le territoire du Québec il y a 400 ans.

Mme Spence a raison de s'insurger contre les conditions de vie de la population d'Attawapiskat. Elle se trompe toutefois lorsqu'elle fait miroiter que la solution réside dans le renforcement de l'exclusion des autochtones à la citoyenneté canadienne et, par ricochet pour nous, de la citoyenneté québécoise. En prônant des relations de nation à nation fondées sur la signature de traités racistes, elle favorise le renforcement du mouvement d'exclusion citoyenne des autochtones et nuit grandement aux intérêts des autochtones et du pays.

Au contraire, le mur du racisme entre autochtones et non-autochtones doit être abattu par l'intégration citoyenne des autochtones dans le respect des différences communautaires. Pas besoin de traités pour cela; notre système démocratique, même imparfait, a déjà démontré qu'il pouvait s'adapter et assumer cette responsabilité.

La vie des peuples, leur histoire, n'est pas toujours du Walt Disney. Il convient de construire les relations autochtones/non-autochtones sur l'histoire véridique des peuples si nous aspirons un jour à former une société citoyenne inclusive, généreuse et respectueuse des différences.