Si le système canadien d'octroi d'asile n'était certainement pas le plus rapide, il était jusqu'à récemment parmi les plus justes et équitables. Or, depuis juin 2010, la tradition humanitaire d'asile du Canada connaît un important recul avec l'adoption du projet de loi C-31, mieux connu sous le nom de Loi visant à protéger le système d'immigration du Canada.

Cette loi, qui devrait permettre, selon le gouvernement, de dissuader les demandes infondées et d'intégrer plus rapidement les requérants ayant un réel besoin de protection, semble surtout répondre à des considérations politiques et économiques et apporte d'importantes modifications au processus de traitement des demandes d'asile.

En effet, afin d'alléger le fardeau fiscal pesant sur le gouvernement, les délais de traitement des demandes seront réduits à chaque niveau tandis que les audiences seront désormais tenues devant des fonctionnaires décideurs de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) en dépit des problèmes d'indépendance et d'impartialité qui peuvent se poser.

C'est également pour des raisons économiques que le gouvernement a instauré la «liste de pays désignés», c'est-à-dire de pays qui «ne produisent habituellement pas de réfugiés» et qui sont de fait considérés comme étant sûrs (selon des critères politiques établis par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration).

Conséquence probable de cette liste, les ressortissants des pays ainsi référencés risquent de voir leur demande d'asile perdre en crédibilité, et être traitée de façon expéditive. En outre, les requérants provenant de ces pays ne pourront faire appel auprès de la nouvelle section d'appel des réfugiés si leur demande d'asile est refusée.

Bien que ce nouveau système permette au gouvernement canadien de réduire le budget consacré au traitement des demandes d'asile, il constitue indéniablement un net recul de la tradition humanitaire canadienne en ce qu'il laisse trop de place aux considérations politiques et économiques au détriment du principe de justice et d'équité.

En effet, dans l'arrêt Singh de1985, la Cour suprême a établi qu'en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, les demandeurs d'asile ont le droit d'être entendus devant un tribunal administratif compétent et qu'un gouvernement ne peut restreindre un droit constitutionnel pour des raisons économiques. Cette décision avait mené à la création de la CISR, un tribunal spécialisé et indépendant offrant aux demandeurs d'asile une audience conforme aux principes de justice fondamentale. C'est également grâce à ce jugement que le Canada s'est vu décerner en 1986 la médaille Nansen des Nations unies pour son implication dans la protection des réfugiés.

Or, le système prévu par la Loi visant à protéger le système d'immigration du Canada aura inévitablement des répercussions négatives. Non seulement sur les ressortissants des pays présumés sûrs, mais également sur les personnes vulnérables qui disposeront de moins de temps pour se préparer aux audiences.

En ouvrant la porte à un traitement discriminatoire des demandes d'asile basé sur des critères politiques, souvent influencés par les rapports commerciaux, le gouvernement porte une nouvelle fois atteinte au statut de leader humanitaire du Canada sur la scène internationale.