Il était particulièrement étonnant de voir tant de gens si étonnés de la déconfiture budgétaire annoncée au CUSM. En fait, il est surtout étonnant qu'une telle dérive ne soit pas survenue auparavant. Et ceci sans égard à l'hôpital en cause ici.

Le système de santé a perdu depuis longtemps sa caractéristique de «système». Malgré les récents gloussements administratifs de satisfaction célébrant la création des CSSS il y a près de 10 ans, lesquels visaient à regrouper et rationaliser les lieux de soins, le réseau de la santé québécois est constitué de vases clos sans grande communication et dont chaque composante est encore dotée d'assez d'autonomie pour établir ses propres priorités sans égards aux objectifs de santé communs au Québec.

Les établissements ont encore des enveloppes budgétaires établies sur une base historique et ajustées annuellement en fonction des dépassements faits, des justificatifs et de «zones de fragilité», comme le coût des nouveaux médicaments.

Ne demandez surtout pas au ministère de la Santé de présenter le niveau d'activité et le rôle de chaque hôpital: un tel état de compte n'existe pas. Et les dépassements du CUSM sont une démonstration de cette absence de direction du Ministère qui ne définit ni ne contrôle les rôles, fonctions et dépenses des hôpitaux québécois.

Spécifiquement, malgré les investissements majeurs consentis à la construction des deux hôpitaux universitaires, les fonctions, volumes et missions de ceux-ci demeurent incertains et grossièrement indépendants de directives gouvernementales.

Le Québec doit se doter dans les plus brefs délais d'instruments de mesure en quantité et en qualité de ce qui est fait en santé au Québec. Il doit aussi déterminer les besoins non couverts qui demeurent multiples et que le Ministère oublie en ne gouvernant pas, en n'imposant pas des missions hospitalières, délaissant cette prérogative pourtant clairement centrale et essentielle aux conseils d'établissements.

Il existe aussi depuis trop longtemps une attitude de compétition entre les établissements ne visant pas l'excellence, mais seulement à attirer l'attention et consécutivement des budgets supplémentaires. Ainsi, des deniers publics sont perdus à financer des activités non productives pour des raisons plus politiques que de santé publique.

On pourrait d'ailleurs à cet égard examiner et comparer les budgets des hôpitaux anglophones et ceux de divers hôpitaux francophones pour déterminer les dédoublements, les économies d'échelle qui pourraient être réalisées, les programmes qui pourraient être carrément fermés, les forces vives qui seraient constituées en combinant certains secteurs.

Le CUSM et ses dirigeants ont certes un haut niveau de responsabilité en lien avec les récentes révélations, mais le Ministère doit cesser de jouer à la politique et assumer le leadership nécessaire pour reprendre le gouvernail et éviter que la dérive ne mène au naufrage, et ce, pas seulement au CUSM.

Les émotions prennent souvent le contrôle lorsque l'on discute de la santé au Québec. Il faut espérer que la simple rationalité amène les gens en mesure d'influer à admettre les limitations sévères dont souffre le système de santé et à proposer un plan graduel qui nous mènera vers un réseau fonctionnel, communicatif et au sein duquel on ne craindra pas que les jeux politiques nuisent à la santé des Québécois.

Il existe au sein du système de santé des forces vives et créatrices qu'il faut canaliser pour produire, médicalement et administrativement, plus et mieux. Pour cela, il faut un contexte, une voie, un sens de direction du système de santé que la politique n'a pas su fournir aux contribuables québécois depuis longtemps.

Il faut espérer que les médias et politiques ne feront pas leurs gorges chaudes des excès récemment dévoilés, et qu'on verra d'autres solutions qu'une commission Charbonneau de la santé. Les fibres émotives qui dirigeraient de telles initiatives ne feraient qu'embourber le réseau de la santé, le scléroser davantage sans offrir de voie de sortie.