L'horreur et le chagrin qui se sont emparés de l'Amérique depuis la tuerie de l'école Sandy Hook sont aussi profonds et poignants que tout ce qu'a connu le pays depuis les attaques terroristes du 11 septembre, il y a plus d'une décennie.

Amis, membres des familles et parfaits inconnus se sont engagés dans des débats déchirants sur la manière dont l'Amérique peut se remettre de ce cruel acte de violence. Les chants et les décorations de Noël ne font que renforcer le sentiment de perte: imaginez les foyers où des parents retirent de sous l'arbre des cadeaux qui ne seront jamais déballés, la vie de l'enfant à qui ils étaient destinés ayant été tragiquement fauchée.

Pourtant, plusieurs voient là une occasion politique. Le maire de New York, Michael Bloomberg, et plusieurs membres du Congrès pressent le président Obama de présenter au plus vite une législation sur le contrôle des armes à feu. Alors que les funérailles de la plupart des victimes n'ont pas encore été célébrées, les partisans du contrôle des armes tentent de saisir ce qu'ils considèrent comme une occasion unique.

Une membre de longue date du comité de la Justice du Sénat, la démocrate Diane Feinstein (Californie), a indiqué qu'elle présenterait une telle loi lorsque le Congrès se réunira en janvier. Il s'agit là d'une question que nos leaders politiques feraient bien d'examiner avec prudence: le Deuxième Amendement de notre Constitution protège notre droit de posséder et de porter une arme. Certes, une discussion légitime s'impose à savoir si on doit permettre la possession d'armes d'assaut de type militaire et de balles perforantes quand la cible est un être humain plutôt qu'un animal chassé dans la nature. Toutefois, ce n'est pas le moment d'amorcer cette discussion.

Les Américains doivent aussi réfléchir sur la manière dont notre culture glorifie la violence dans les jeux vidéo et les superproductions hollywoodiennes. On a le sentiment que Newtown n'est que le reflet d'une nouvelle normalité aux États-Unis, en vertu de laquelle la vie humaine a été dévalorisée. Cela n'est ni acceptable ni tolérable. Nous devons aussi nous assurer que ceux qui ont besoin de traitements contre la maladie mentale puissent y accéder sans stigmate et sans honte.

Les Américains se remettront de l'horreur de la tuerie insensée de Newtown, mais nous ne serons plus jamais les mêmes. Nous avons perdu une certaine innocence; une tache a marqué nos coeurs comme jamais auparavant. Il y aura toujours un temps pour la politique. Passer à toute vapeur des lois sur le contrôle des armes à feu n'empêchera pas qu'une tragédie aussi horrible se produise à nouveau.

Prendre le temps de réfléchir correctement à ce que nous sommes et aux valeurs que nous préconisons en tant qu'individus représenterait un pas dans la bonne direction. Mais d'abord, il faut pleurer la perte de ces vies innocentes, vivre une peine que le temps finira par altérer sans qu'elle ne guérisse complètement.