Nous étions amis et camarades de classe il y a plusieurs décennies. Nous avons été réunis une fois de plus par le fait que nos familles respectives ont toutes deux été touchées par la maladie mentale. Et, pour nos deux familles, les conséquences de la maladie mentale ont été, et continuent d'être, tragiques et dévastatrices.

Graham Boeckh souffrait de schizophrénie. Il n'avait que 22 ans lorsqu'il est mort des suites d'une interaction chimique entre les médicaments qu'il prenait. Cameron Wilson, quant à lui, était gravement dépressif et s'est enlevé la vie à l'âge de 29 ans.

Bien que l'ensemble des connaissances et des traitements aient évolué et se soient améliorés de façon notable depuis le décès de nos enfants, il reste encore beaucoup à faire.

Si l'on veut que leur souffrance et leur départ prématuré de ce monde aient un sens, la tragédie de leur vie doit nous servir, personnellement, et aux milieux de la recherche et médicales ainsi qu'aux patients, à améliorer les choses.

Trop souvent, les recherches effectuées en laboratoire, dans les hôpitaux ou dans les universités, ne se rendent pas jusqu'aux premières lignes des soins de santé. Souvent, les chercheurs, les professionnels de la santé et les patients ne disposent pas de moyens pour partager leurs expériences, de nouveaux traitements et des stratégies novatrices afin de combler le fossé entre la recherche et la pratique, de partager les meilleures pratiques et de fournir une rétroaction qui permettent à toutes les parties intéressées de fixer de nouveaux objectifs et d'obtenir de meilleurs résultats.

Voilà pourquoi l'annonce récente effectuée par la Fondation Graham Boeckh et les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) de donner 25 millions $ pour financer la création d'un réseau axé sur les patients adolescents et jeunes atteints d'une maladie mentale est tellement importante. Ce financement peut potentiellement changer largement le cours des choses et améliorer l'état de la santé mentale de jeunes gens au Canada à l'intérieur de cinq ans.

Voici la définition que nous donnons à la recherche transformationnelle : la détermination des changements nécessaires au niveau du système afin d'améliorer l'issue pour les jeunes gens aux prises avec la dépression, des troubles bipolaires, la schizophrénie et autres troubles qui se manifestent pour la première fois habituellement à l'adolescence. Nous visons à améliorer manifestement l'état de santé du patient et son expérience en soins de santé en intégrant des éléments probants à tous les niveaux du système de soins de santé, et en offrant des approches diagnostiques et thérapeutiques novatrices au point de service.

Soixante-dix pour cent des problèmes et des troubles de santé mentale débutent dans l'enfance et à l'adolescence. Les jeunes gens tendent davantage à signaler des troubles de santé mentale que tout autre groupe d'âge. Une intervention précoce est essentielle pour améliorer leur qualité de vie et leur permettre, lorsque c'est possible, de devenir des adultes productifs et heureux. Elle permet aussi de réduire les conséquences tragiques de la maladie mentale sur la famille et les amis du patient, et d'amoindrir également le fardeau et le coût d'une maladie souvent chronique sur notre système de soins de santé et de services sociaux.

Les preuves démontrent que, comme c'est le cas pour plusieurs autres défis liés à la santé, une intervention précoce constitue un élément essentiel pour améliorer la qualité de vie de jeunes gens ainsi que celle de leur famille et de leurs amis. Une intervention précoce réduit la prévalence et la gravité des troubles de santé mentale plus tard dans la vie, ce qui permet à ceux qui souffrent d'une maladie mentale de mener une vie saine et productive.

Au Canada, la plupart des adolescents aux prises avec une maladie mentale obtiennent des soins inadéquats ou encore aucuns soins. Cette situation doit changer.

Nous mettons donc au défi les chercheurs de la santé mentale du Canada, les patients et leurs familles, les établissements de soins de santé mentale et les gouvernements provinciaux de développer leurs réseaux et de présenter leurs meilleures idées pour apporter des changements pour les adolescents canadiens qui souffrent de maladie mentale.

Si vous êtes un chercheur ou un professionnel en soins de santé mentale, impliquez-vous et incitez votre réseau à s'impliquer également. Si vous ou un membre de votre famille avez été touchés par la maladie mentale, parlez-en à votre médecin ou votre infirmière. Ensemble, nous pouvons faire une différence dans la vie de dizaines de milliers de Canadiens, chaque année. Quand nous savons que nous pouvons faire mieux, faire mieux n'est pas une option, c'est une obligation.