La puissance économique de la Chine est une source d'inquiétude. La China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) a lancé une offre d'achat pour l'acquisition de Nexen, une entreprise active dans le domaine de l'énergie, dont le siège social est à Calgary. Le prix d'achat proposé par CNOOC est de 15,1 milliards de dollars, soit une prime de 60% de la valeur en bourse; une aubaine pour les actionnaires. La pression est forte sur le gouvernement du Canada pour qu'il approuve la transaction. Attention: les entreprises publiques chinoises ne sont pas des investisseurs comme les autres.

Les entreprises chinoises investissent près de 60 milliards US chaque année. Tous les projets doivent être autorisés par le ministère du Commerce (MOFCOM) et par la Commission nationale du développement et de la réforme (NDRC). Les investissements les plus importants sont réalisés par des entreprises publiques dont l'actionnaire unique est le Parti communiste de Chine.

Depuis 2005, on observe une diversification des secteurs et des destinations. Environ 71% se dirigent vers l'Asie, 13% en Amérique latine, 6% en Europe, et 3,2% en Amérique du Nord. Les secteurs privilégiés sont les prêts (crédit-bail) et les services commerciaux (142 milliards). La part des ressources est de 67 milliards, presque ex aequo avec les services financiers.

Cette poussée d'investissements chinois ne fait que commencer. Avec environ 3600 milliards de réserves de devises et un fonds souverain d'environ 400 milliards, le gouvernement chinois a mieux à faire que d'investir dans les bons du trésor américain.

CNOOC Canada est active au Canada depuis 2011 dans la production de pétrole à partir des sables bitumineux. Parce que Nexen possède des installations dans le golfe du Mexique, en territoire américain, le Comité sur les investissements étrangers du gouvernement des États-Unis examine l'offre de CNOOC. Le problème posé au Canada n'en est pas un de sécurité nationale, ne concerne ni l'absence de démocratie ou de respect des droits de la personne.

L'exploitation des ressources pétrolières au Canada est régie par les lois du marché. Les prix, le rythme de production, l'investissement répondent aux signaux du marché, aux incitatifs fiscaux et aux contraintes de la régulation. Les entreprises publiques, qu'elles soient chinoises ou autres, satisfont les objectifs dictés par leur gouvernement. Souvent le rendement sur l'investissement n'est pas le critère de performance recherché. La Chine a besoin de pétrole et des technologies d'exploration et de transformation. La gestion que fera CNOOC de la ressource se fera donc en fonction des besoins du gouvernement chinois. Le marché de l'énergie se trouvera nécessairement perturbé par la présence de joueurs qui ne fonctionnent pas selon les règles du secteur privé.

En cas de conflit, il n'est pas certain que les règles internationales qui régissent les investissements étrangers s'appliquent aux entreprises publiques. La Convention du Centre international de règlement des différents est muette sur ce point. Il en est de même de l'Accord bilatéral sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE) signé en septembre dernier entre la Chine et le Canada.

Il convient enfin de considérer la question sous l'angle de la réciprocité. Serait-il envisageable qu'une entreprise privée canadienne fasse l'acquisition d'une entreprise publique chinoise? Il semble que non. L'entreprise américaine Carlyle a tenté en 2000 d'acheter Xugong Construction, un fabricant chinois d'équipements. Après trois ans démarches, Carlyle a retiré son offre. Faisons en sorte que CNOOC fasse de même.