Quelle est la vision du monde du nouveau président de la Chine, Xi Jinping, et quelle sera sa gestion de la politique étrangère du pays? Son style diffère-t-il sensiblement de son prédécesseur Hu Jintao? Les réponses à ces questions détermineront les relations de la Chine avec le monde, et vice versa, pour la décennie à venir.        

Les dirigeants chinois ont une approche du pouvoir très différente de leurs homologues aux États-Unis. Les politiciens américains doivent vendre leurs idées et leurs valeurs aux électeurs; les dirigeants chinois n'ont pas besoin d'informer la presse et le public directement sur quoi que ce soit, y compris leur politique étrangère. À l'exception notable de Mao Zedong et Deng Xiaoping, ils ont rarement imposé leur propre personnalité à la diplomatie chinoise.

En ce sens, le style de leadership de M. Xi va très probablement continuer dans la tradition de ses prédécesseurs. Néanmoins, ses perspectives et sa vision du monde sont certainement différentes de Hu.

Pour commencer, Xi fait partie d'une génération qui a grandi et étudié essentiellement à l'époque de la réforme de la Chine, qui a eu une influence décisive dans leur vie. Une génération qui s'est enthousiasmée pour l'approche réaliste de Deng visant à briser les murs que les radicaux de gauche avaient édifiés autour de la Chine. Une génération convaincue que le savoir peut changer le destin du pays et de ses habitants.

Xi Jinping pourrait aborder les questions les plus épineuses de diplomatie chinoise - en particulier les relations sino-américaines - avec plus de réalisme et de souplesse que ces dernières années. Sa visite aux États-Unis en février dernier a été largement considérée comme une suite à la visite de Deng en janvier 1979. Il s'est entretenu avec le président Barack Obama et a visité le Pentagone. Il a montré un intérêt pour la culture américaine et regardé des matchs de la NBA.

Xi a parlé directement et vigoureusement à propos de l'état actuel des relations sino-américaines. «L'océan Pacifique est suffisamment large pour accueillir les deux grands pays que sont la Chine et les États-Unis», a-t-il déclaré.

Xi a essayé d'éviter des discussions importantes sur les droits de l'homme, en disant simplement: «Le meilleur n'existe pas, seul le mieux existe.» Il a cherché à démontrer que, même s'il y a beaucoup de questions, de discussions et même de conflits potentiels qui existent entre la Chine et les États-Unis, les dirigeants des deux pays doivent les aborder avec une attitude de coopération et de sincérité.

La confiance de Xi s'étend à la politique intérieure de la Chine. Il pourrait bien se révéler être un nationaliste; sa génération, à l'image des pères fondateurs de la République populaire, rêve de transformer la Chine en un pays plus fort et plus prospère. Les nouveaux dirigeants du pays veulent les applaudissements du monde, mais ils sont encore plus avides d'ovations domestiques.

Tout comme les dirigeants chinois précédents, Xi croit fermement que le monde doit respecter l'autorité de la Chine à gérer ses propres affaires. Ainsi, il est prêt à user de muscle diplomatique si la Chine est contestée sur un domaine de préoccupation central. «Certains étrangers avec le ventre plein et rien de mieux à faire nous montrent du doigt», a-t-il déjà déclaré. «Premièrement, la Chine n'exporte pas la révolution; deuxièmement, elle n'exporte ni la famine ni la pauvreté; et troisièmement, elle ne s'occupe pas de vos affaires. Y a-t-il quelque chose à rajouter?»

Xi sera certes un leader dur et résolu, mais un leader qui comprend le monde d'une manière pragmatique et sait comment bien travailler avec ses homologues étrangers. Avec ses touches simples d'humanité, Xi pourrait provoquer une révolution de la diplomatie chinoise.

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