Déjà il y a quatre ans, je harcelais presque le directeur de l'école où je travaillais pour faire de la sensibilisation et de l'éducation en lien avec l'intimidation. Parce que dès le primaire, les jeunes en sont victimes, en sont témoins et en sont les responsables.

J'allais dans les classes animer des programmes d'intervention. Ce qui en ressortait? Les jeunes ne dénoncent pas parce qu'ils craignent de ne pas être pris au sérieux par les membres du personnel, de se faire traiter de «stool» par les adultes et au bout du compte, d'être punis. Ils ont peur de représailles, aussi.

Ils savent que les agresseurs agissent surtout sur l'heure du midi parce qu'ils se disent que les surveillants ne feront rien, parce qu'ils ne verront rien. Parce qu'ils ne savent pas quoi faire.

Et les victimes ne dénoncent pas, parce qu'ils ont peur que les adultes de l'école ne les prennent pas au sérieux, qu'ils minimisent ce qu'ils vivent et parce qu'ils ont aussi peur que les agresseurs redoublent d'ardeur si leur sécurité n'est pas assurée par ces mêmes adultes.

Et malheureusement, je constate qu'ils ont raison. Que probablement moi aussi, je me fermerais la trappe. Parce que trop d'histoires nous montrent que les adultes ne prennent pas les moyens nécessaires pour prévenir ce genre de situation et intervenir adéquatement quand l'intimidation survient. Parce qu'ils ne sont pas outillés pour le faire, tout simplement. Ce qui fait en sorte que ça se répète, encore et encore.

Et que les victimes se taisent. Et que les témoins se taisent. Et que les agresseurs continuent à agresser et à souffrir.

Parce qu'ils souffrent, eux aussi. Ils souffrent d'un besoin d'amour si intense qu'ils croient devoir détruire une personne à petit feu pour sentir qu'ils sont quelqu'un. Ils souffrent peut-être d'agression indirecte (agression verbale, psychologique) à la maison, de la part de leurs parents, de leur frère ou de leur soeur; ils intériorisent peut-être que ce mode relationnel est celui à privilégier, faute d'en avoir d'autres de la part de modèles si significatifs dans la vie d'un enfant.

Et oui, évidemment, les victimes continuent elles aussi à souffrir. À tellement souffrir qu'elles ne voient d'autre moyen que de se tuer pour arriver à tuer leur souffrance.

Essayez donc, vous, de ramener quelqu'un à la vie.

Je ne peux donc qu'être heureuse, voire soulagée, de constater les mesures mises en place par le gouvernement pour s'assurer que les situations d'intimidation soient prises en charge...par les adultes.

Les ingrédients gagnants pour la lutte à l'intimidation? La sensibilisation, la connaissance, la cohérence, la supervision efficace, un plan d'action clair. Pour tous: adultes et enfants. Parents et enseignants. Et chauffeurs d'autobus, concierges, professionnels, surveillants du dîner, éducateurs au service de garde.

Alors, continuons d'en parler, de l'intimidation. Continuons aussi de faire la différence; ce ne sont pas toutes les situations d'agression qui sont considérées comme de l'intimidation! Continuons de nuancer le vécu de chaque personne impliquée afin de ne pas dichotomiser ce qui n'est pas dichotomisable.

Je ne croirai jamais qu'un intimidateur est un loser, pas plus qu'un témoin muet. Apprenons-leur comment s'affirmer de façon adéquate, comment se faire respecter, et non pas se faire craindre. Apprenons-leur en leur servant de modèle; en étant respectueux avec notre conjoint, avec l'enseignant de notre enfant, même s'il lui a donné une mauvaise note à son dernier examen ou un avis disciplinaire.

Soyons respectueux envers nos enfants; pas seulement ceux à qui on a donné la vie, mais à tous ceux qui participent à notre société. À son avenir. Et à son présent.