Il s'est produit quelque chose de très particulier au Québec au cours des 25 dernières années, mais ce changement est passé pratiquement inaperçu. La province a perdu son statut de «plus malheureuse au Canada» pour devenir l'un des endroits où les gens sont les plus heureux. Qu'est-il donc arrivé?        

De nos jours, les économistes analysent les données témoignant du degré de satisfaction à l'égard de la qualité de vie afin de déterminer les cadres politiques les plus susceptibles de contribuer au bonheur des collectivités.

Ainsi, l'Organisation des Nations unies a publié cette année son premier Rapport sur le bonheur dans le monde, qui résume les enseignements tirés de ces données et précise les endroits où les gens s'estiment les plus heureux, ainsi que les critères définissant une bonne qualité de vie. Partout dans le monde, sauf dans les pays les plus démunis, les taux de satisfaction sont davantage liés à la qualité des relations humaines qu'au revenu moyen.

Une nouvelle analyse de l'Université McGill révèle qu'en 2011, dans le cadre d'un sondage mondial Gallup réalisé auprès de 190 000 personnes à qui on a demandé d'évaluer leur vie sur une échelle de 0 à 10, la réponse moyenne obtenue au Québec était plus élevée que celle enregistrée dans 157 pays. Le taux de satisfaction y est plus grand que partout ailleurs sur la planète, sauf au Danemark.

En 1985, 32% des Québécois indiquaient qu'ils étaient très satisfaits de leur vie en général, soit 15% de moins que les répondants de la deuxième province «la plus malheureuse». En 2008, la situation a changé du tout au tout. Lorsqu'on a demandé aux Québécois d'évaluer leur satisfaction à l'égard de leur vie sur une échelle de 1 à 10, 71% ont répondu «8» ou plus, soit un résultat de 6 à 8% plus élevé que dans les trois autres plus grandes provinces canadiennes, situant le Québec en deuxième place immédiatement derrière Terre-Neuve.

L'analyse, qui portait sur des données de Statistique Canada, cherche à dénouer les causes de cette augmentation relative enregistrée sur l'échelle du bonheur au Québec. Elle montre que la tendance n'est pas attribuable à des facteurs généralement pris en compte par les économistes, car nos revenus sont demeurés modestes. Il est vrai que des mesures efficaces de redistribution du revenu ont permis de limiter les iniquités plus que partout ailleurs au Canada; en même temps, on constate aussi que les nantis tout autant que les plus démunis se sont dits plus satisfaits de leur vie au Québec.

Par ailleurs, les données révèlent que les Québécois non francophones ont vu leur satisfaction à l'égard de leur vie augmenter de façon comparable aux francophones. Tout apaisement des tensions linguistiques ou nationalistes a ainsi profité également à l'ensemble des communautés.

Dans quels pays les gens sont-ils aussi heureux qu'au Québec et qu'ont en commun ces endroits? La plupart scandinaves, ils accordent beaucoup d'importance à l'équité socioéconomique et tendent à investir massivement dans l'éducation, le soutien aux parents et aux enfants, l'assurance sociale et la protection de l'héritage environnemental. Ils nourrissent également une plus grande confiance à l'égard de la société - domaine dans lequel le Québec présente certaines lacunes - sont peu corrompus et sont dirigés par des gouvernements hautement responsables.

Une meilleure compréhension des raisons qui contribuent à ce bonheur nous permettra de continuer à profiter d'une qualité de vie remarquable, d'adapter nos politiques pour soutenir les mesures bénéfiques et de faire connaître au reste du monde ce qui nous a permis de grossir les rangs des gens les plus heureux sur Terre.