Pour amener les universités à faire meilleur usage des ressources mises à leur disposition, il faut réanimer leurs mécanismes internes de reddition de comptes. Ces mécanismes ont été stérilisés au nom d'une gouvernance faisant fi de la nature de l'institution universitaire.        

Depuis des siècles, les universités ont été gérées de façon à tirer avantage des capacités critiques et des compétences qui existent en leur sein. Mais au nom de logiques bureaucratiques, on a perverti la gestion des universités en stérilisant les mécanismes internes qui protégeaient contre les excès.

Une bonne part du gaspillage tient à la tendance observée depuis les trois dernières décennies à écarter les instances internes composées de professeurs, d'employés et d'étudiants des décisions significatives. Les décisions qui ont engendré les scandales des dernières années au sujet des projets immobiliers douteux, des primes de séparation gonflées ou autres dépenses contestables émanaient de conseils d'administration qui se targuent de fonctionner «comme dans le privé» et neutralisent les instances composées de membres de la communauté universitaire comme les conseils de faculté, assemblées départementales, assemblée universitaire, sénats, etc.

Pourtant, professeurs et étudiants sont appelés, à divers degrés, à gérer des projets de recherche qui supposent souvent des montages financiers et des logistiques qui n'ont rien à envier aux activités des «entrepreneurs» ! Mais leur expertise et leur regard critique ne comptent pas dans les processus contrôlés par la bureaucratie.

Par exemple, lors du plus récent processus ayant mené à la nomination du recteur à l'Université de Montréal, le conseil a trouvé le moyen de dépenser plusieurs milliers de dollars chez une firme externe afin de faire passer des tests d'aptitudes aux personnes pressenties pour exercer la fonction de recteur. Pourtant, l'université dispose de mécanismes, composés de membres de sa communauté, afin d'analyser les candidatures des personnes susceptibles d'occuper un tel poste de haute direction.

La méfiance envers les professeurs et étudiants engendre des gaspillages. Par exemple, avant d'entreprendre un projet de recherche, tout chercheur doit obtenir un «certificat» non pas de conformité aux lois, mais de conformité «éthique» accordé par des «éthiciens». Et devant ces instances, le fait de démontrer qu'un projet est conforme aux lois ne pèse pas lourd! Ainsi, récemment, un projet de recherche monté par des juristes et visant à analyser les pratiques en matière de prêts hypothécaires est passé à un cheveu d'être bloqué parce qu'il pouvait «nuire aux banques» !

Dans plusieurs secteurs, les instances bureaucratiques aux mandats redondants foisonnent: l'UdeM a une ombudsman, mais aussi un service de «prévention et de lutte contre le harcèlement». Ces deux services traitent quelques plaintes par année. En parallèle, il existe des comités qui ont mandat de discipliner ceux qui agissent dans le mépris des droits des personnes. Tous ces services fonctionnent en secret: lorsqu'elles se font, les redditions de comptes ont lieu en catimini.

Une gouvernance aussi déconnectée des missions universitaires déresponsabilise et mène aux dérives régulièrement dénoncées dans le public, comme les politiques salariales absurdes à l'égard des membres des hautes directions. Toutes les universités possèdent des mécanismes destinés à assurer que tous répondent de leurs actes. Mais à l'Université de Montréal, ces mécanismes ont été neutralisés par une bureaucratie qui ne rend de comptes qu'à un conseil qui délibère et décide en secret.

Redonner aux mécanismes universitaires de reddition de comptes le rôle qui a été confisqué par la bureaucratie ne va pas en soi combler l'ensemble des pénuries de ressources qui affectent les universités. Mais cela aiderait sûrement à mettre fin à plusieurs pratiques qui décrédibilisent les universités québécoises.