Dans la polémique sur soi-disant «non-rentabilité» du cinéma québécois à la suite de la sortie du propriétaire des Cinémas Guzzo, sa qualité et sa popularité redeviennent des sujets débattus. Il faut se féliciter que notre cinéma et des cinéastes d'ici acquièrent une visibilité sur la scène internationale et remportent des prix. Bravo aussi si, parfois, notre cinéma récolte un succès au box-office.

Mais ce sont la plupart du temps des hommes qui se hissent en haut de l'affiche. Nathalie Petrowski en donnait des exemples dans sa chronique samedi dernier: Denis Arcand, Ken Scott, Denis Villeneuve, Charles Olivier Michaud, Jean-Marc Vallée et Philippe Falardeau. Que des hommes, d'excellents cinéastes par surcroît. Mais où sont les femmes? Elles sont les grandes perdantes du septième art tel qu'il se développe au Québec. Comme cinéastes, les femmes sont gardées en marge de la réalisation.

Selon les données de l'Observatoire de la culture et des communications du Québec sur l'industrie du cinéma, les longs métrages destinés au cinéma réalisés par des femmes représentaient 10% des films en 1992. Depuis presque 20 ans, cela n'a pas augmenté. En fait, il y a eu régression puisqu'en 2010, seulement 8,3% de tous les films destinés au grand écran résultent d'une création féminine.

En ce qui concerne le documentaire, même si ce domaine constitue la niche où la présence des femmes est proportionnellement la plus forte, leur situation est encore bien loin de l'équité. Leur participation est restée figée à 22% depuis 2001.

Si on regarde l'ensemble des réalisations toutes catégories, la part des femmes s'améliore légèrement, mais demeure très faible. Elle se situe à 14,3% en 2000 et à 16,1% 10 ans plus tard.

De cette situation, il ressort un triste constat: la part des femmes dans la réalisation cinématographique est minuscule et n'évolue pas. Comment expliquer ce profond déséquilibre entre les sexes dans une société qui se targue d'être équitable et juste pour tous et toutes?

Au Québec, qui dit cinéma, dit monde d'hommes. De toute évidence, une discrimination systémique au niveau du financement public du cinéma défavorise les femmes. Des mécanismes fixant des critères de sélection des projets cinématographiques semblent exclure ceux des femmes ou du moins les déclasser. Il en résulte un financement favorable aux hommes dans la majorité des cas.

Est-ce à dire que les scénarios présentés par les femmes ont une valeur artistiquement moindre? Évidemment non.

Il est clair qu'une culture masculine domine dans le milieu cinématographique au Québec. Cela empêche non seulement les femmes de s'exprimer dans un des domaines les plus visibles, mais prive en même temps toute la société des images et de la créativité de la moitié de sa population.

Les films à gros budgets sont souvent réalisés par des hommes qui présentent des histoires d'hommes, parlent de leur réalité, parfois de leurs émotions, souvent de leurs intérêts (le hockey, les histoires policières...), bref, de leur conception du monde. Or, le cinéma ne devrait pas être limité à un seul sexe.

Les Québécoises ont connu des avancées extraordinaires dans plusieurs secteurs professionnels ces dernières décennies. Cependant, le milieu cinématographique traîne la patte à ce chapitre. Au rythme auquel vont les choses, cela prendra plus d'un siècle pour voir la parité hommes-femmes dans ce domaine!

Il faudra bien que les organismes publics concernés regardent les statistiques accessibles à tous et remettent en question leur mode de fonctionnement et le règne de la culture masculine.

S'il y a «crise» du cinéma québécois, elle est plus fortement ressentie par les réalisatrices. Il faut l'admettre, ça ne tourne pas pour les femmes cinéastes du Québec.