À voir se déchaîner les critiques de l'opposition à l'occasion de la nomination de Pierre Baril et de Louis-Gilles Francoeur, respectivement président et vice-président du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, nous déplorons que la nomination de ces deux personnes extrêmement qualifiées et le signal de renouveau ainsi envoyé aient été éclipsés par une «crise» où la politique partisane a malheureusement pris le dessus.

Une récupération politique sur le thème de l'éthique, tiens donc...

On en vient à oublier que la nomination rapide d'un remplaçant à la présidence du BAPE visait à combler le poste devenu vacant après que le gouvernement nouvellement élu ait annulé son contrat renouvelé précipitamment par le gouvernement antérieur pour une période de cinq ans.

Il était risible d'entendre un ancien ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, déclarer que le nouveau ministre de l'Environnement, Daniel Breton, avait «brisé la règle constitutionnelle de la séparation des pouvoirs». Cela démontre une totale méconnaissance du rôle du BAPE, un organisme strictement consultatif qui ne rend aucune décision. Le BAPE n'appartient pas à la branche judiciaire de l'État et la Loi sur la qualité de l'environnement indique clairement qu'il relève directement du ministre responsable de l'environnement à qui il fait «rapport de ses avis et constatations».

Ni le ministre, ni le gouvernement ne sont liés par le rapport du BAPE, contrairement à une décision judiciaire. D'ailleurs, de nombreuses recommandations de l'organisme ont été carrément écartées par les différents gouvernements.

Rappelons à ceux qui brandissent le spectre d'une radicalisation des orientations environnementales par un ministre qui aurait trop à coeur la protection de l'environnement que les projets assujettis à la procédure du BAPE ne sont pas décidés par le ministre lui-même. Contrairement aux projets de moindre envergure relevant de ce dernier, les projets visés par la procédure du BAPE sont décidés ultimement par le conseil des ministres.

M. Breton est le premier militant écologiste nommé ministre responsable de la protection de l'environnement. Cette situation est vécue en France et en Allemagne depuis longtemps, sans ébranler les colonnes du temple économique, mais ici, il s'agit d'une première. Certains, dont nous sommes, sont satisfaits de la nomination de M. Breton. Nous comprenons toutefois qu'elle puisse déranger un certain establishment, habitué à faire des affaires différemment.

Il peut être opportun de tenter de parler d'éthique pour nous faire oublier certaines pratiques mises à jour quotidiennement par une commission d'enquête. On ne peut donc guère s'étonner de voir les libéraux demander la démission du ministre en sautant sur les premiers ragots venus.

L'opportunisme politique visant à tirer sur le messager pour nous faire oublier le message se démontre également par l'absence totale de critique sur la qualité des nominations. Est-il une personne qui ne puisse imaginer que MM. Baril et Francoeur ne protègeront pas l'autonomie et l'intégrité du BAPE, notamment dans le cas de ce dernier, qui a couvert l'environnement pendant 40 ans comme journaliste d'un quotidien indépendant? Y a-t-il quelqu'un qui remette en question leurs compétences?

Le BAPE et la procédure d'évaluation et d'examen sur les impacts sur l'environnement dans laquelle s'inscrit l'organisme doivent faire l'objet d'une modernisation. Depuis leur création, il y a près de 35 ans, plusieurs projets de réforme ont été avancés sans jamais aboutir.

Au courage démontré par le ministre par ses nominations, nous souhaitons voir s'ajouter celui du gouvernement d'entreprendre ces réformes nécessaires. Parmi celles-ci, la nomination du président du BAPE par l'Assemblée nationale favoriserait cette perception d'indépendance et de neutralité. Sans nul doute que les nominations actuelles du président et du vice-président auraient été applaudies par tous les élus, comme en témoigne l'absence totale de critique sur la qualité de ceux-ci.