Le Québec importe tout le pétrole qu'il utilise pour répondre à sa demande d'environ 360 000 barils par jour. Le pétrole reste au Québec la première source d'énergie, en importance, devant l'hydroélectricité. Non seulement le Québec importe l'entièreté du pétrole qu'il utilise, de pays comme l'Algérie, le Royaume-Uni, le Mexique et l'Angola (et aussi de la côte est canadienne, une production qui profite à Terre-Neuve-et-Labrador), mais le Québec exporte aussi du pétrole!

En effet, le pipeline 9 d'Enbridge, initialement utilisé pour importer du pétrole de l'Ouest canadien (des années 70 à la fin des années 90) transporte maintenant vers l'Ontario du pétrole acheminé au Québec par pétrolier.

Le projet de renversement du flot de ce pipeline, actuellement étudié par l'Office national de l'énergie, permettrait de diminuer les importations de pétrole de l'extérieur du pays en s'approvisionnant à même une source canadienne, qui est moins chère que le pétrole importé. En effet, le pétrole nord-américain s'est vendu ces dernières années de 6 cents à 12 cents/litre de moins que le pétrole importé.

Par ailleurs, l'argument écologique contre le pétrole albertain est malhonnête à deux égards. Premièrement, pour vraiment statuer que ce pétrole issu des sables bitumineux est moins «écologique» que le pétrole importé, il faudrait vraiment le comparer avec le pétrole qu'on importe. Or a-t-on des données sur l'impact de la production de pétrole en Algérie? Au Mexique? En Angola? Alors même qu'on s'interroge au Québec sur la pertinence d'exploiter du pétrole en mer, sait-on que 12% de notre consommation de pétrole vient justement des côtes atlantiques du Canada?

La vérité, c'est que nous n'avons pas de données précises pour statuer que le pétrole que nous importons est plus vert et pose moins de risque à l'environnement que le pétrole albertain. De plus, la question sociale de l'usage des revenus du pétrole en Algérie et en Angola (28% et 7% respectivement de nos approvisionnements) n'est même pas discutée. Certains de nos fournisseurs ne sont pas des modèles de transparence et de valeurs démocratiques. Est-ce cela que nous voulons encourager dans nos achats?

Au-delà de ces considérations sur les conditions de production, le vrai problème auquel nous faisons face est celui de la consommation de pétrole. Nous dépensons chaque année des sommes colossales pour les carburants dérivés du pétrole: plus de 6 milliards des dépenses directes des ménages (environ 2000$ annuellement par ménage, en moyenne) et l'équivalent dans le secteur commercial (transport par camions). Or ces dépenses, au lieu de nous rendre plus productives, minent notre compétitivité: elles nous bloquent dans des embouteillages, nous contraignent à refaire constamment nos infrastructures routières et ont des impacts sur la santé à travers la pollution atmosphérique, les accidents de la route et notre diminution de temps d'activité physique, qui nous rend de plus en plus obèses.

Évidemment, notre consommation de pétrole est aussi la première source d'émissions de gaz à effet de serre... et tous les partis politiques québécois sont unanimes sur le fait de réduire ces émissions d'au moins 20% dans les 8 prochaines années. Aucun plan n'existe, cependant, pour atteindre cet objectif.

Il est donc grand temps de concentrer nos efforts et les débats sur le vrai problème: notre consommation. La production n'est là que pour y répondre, nous l'oublions trop souvent. Les politiques de prohibition sont extrêmement inefficaces pour lutter contre la consommation, et elles créent une multitude de dommages collatéraux, notamment dans les relations intergouvernementales.

Dans le cas du pipeline 9, qui est déjà construit et dont une toute petite partie se trouve en sol québécois (il est presque entièrement en Ontario), l'opposition est non seulement futile, mais contre-productive: elle nous détourne d'une discussion plus fondamentale sur la réduction de notre propre consommation.