Lundi dernier, l'Association des étudiants de science politique et d'études internationales de l'Université de Montréal (AÉSPÉIUM) a voté une grève à portée «symbolique» de deux jours (14 et 22 novembre).

Leurs revendications ayant été comblées par les premières politiques du gouvernement Marois, les étudiants de mon association ne pouvaient désormais plus brandir le spectre d'une hausse des droits de scolarité pour justifier leur volonté de repartir en grève. C'est plutôt un élan de «solidarité avec les peuples du monde aux prises avec une austérité budgétaire» qui a réussi à séduire 79 étudiants sur les 143 présents à l'assemblée générale.

Nul besoin d'avoir complété une grande école pour constater que les conditions dans lesquelles ce vote de grève a eu lieu sont pour le moins controversées. À l'entrée de l'assemblée générale, j'ai eu la mauvaise surprise de remarquer que les membres de l'exécutif de mon association n'avaient pas en leur possession la liste des étudiants inscrits. Par conséquent, des gens ne faisant pas partie de l'AÉSPÉIUM ont également pu se prévaloir du droit de vote. Ici, l'évidence est on ne peut plus claire : ce vote de grève s'est déroulé dans le non-respect total des règles démocratiques les plus élémentaires. Un cirque, quoi.

Grève, boycott, séchage des cours... Prenez le terme que vous voulez. Pendant près de six mois, des milliers d'étudiants ont été en grève dans le but d'obtenir un gel des droits de scolarité. Ce gel obtenu, ils doivent maintenant trouver une autre raison de partir en grève. Partir en grève pour réclamer la gratuité scolaire? Un peu trop irréaliste à court terme. Ne pas partir en grève? Ce n'est pas intéressant, surtout pendant une période d'examens intras. Pour se donner un peu de crédibilité, les membres de l'exécutif de mon association ont toutefois dû avancer quelques arguments. Certains se sont levés pour exprimer leur solidarité avec les peuples d'Europe, d'Amérique latine, et d'Amérique du Nord aux prises avec une supposée «marchandisation de l'éducation». Ils n'ont pas encore compris que la présence de frais de scolarité ne signifie pas une marchandisation de l'éducation. Quoi qu'il en soit, cette grève «symbolique» de deux jours ne semble associée à aucune revendication précise.

Dans ce contexte de «solidarité internationale des étudiants», le ministre de l'Enseignement supérieur, Pierre Duchesne, a ouvert la porte à l'idée de reconnaître le droit de grève aux associations étudiantes. Cette idée m'apparaît plutôt incongrue, surtout quand on pense aux abus auxquels ce droit de grève pourrait mener. En allant en grève pour des raisons qui n'en sont pas, les associations étudiantes banalisent par le fait même la notion de grève. Aujourd'hui, c'est la semaine de solidarité internationale des étudiants qui justifie la grève. Demain, pourquoi pas la cause palestinienne, ou les immigrants clandestins en provenance du Mexique? Si l'on suit cette logique, les associations étudiantes pourraient trouver 365 causes pour déclencher des grèves d'une journée.

Il est grand temps que les étudiants «grévistes» réalisent qu'ils ne sont pas des employés de l'État, ni de l'université. L'université fournit un service, pour lequel les étudiants doivent payer moins de 20% de la facture globale. Les étudiants insatisfaits des conditions dans lesquelles l'université dispense l'enseignement ont le droit de manifester et de ne pas se présenter à leurs cours. Cependant, ils ne peuvent pas empêcher, par quelque moyen que ce soit, d'autres étudiants d'assister à leurs cours. Reconnaître le droit de grève aux associations étudiantes, c'est leur donner le contrôle de la tenue des cours. Ce n'est pas à une minorité d'étudiants de décider, en assemblée générale, de la tenue ou non des cours. Les associations étudiantes peuvent prendre des décisions ayant trait à la vie étudiante. Elles n'ont cependant pas le droit ni le mandat de perturber le déroulement normal de l'enseignement universitaire.