Le Parti québécois propose d'exclure les pensions alimentaires du calcul de l'aide sociale. Au premier regard, on pourrait n'y voir qu'une mesure bonifiant l'aide sociale. Une telle impression est renforcée par les réactions de Québec solidaire à l'effet que cette proposition est insuffisante et qu'un revenu minimum devrait être instauré. Néanmoins, il s'agit d'une mesure contribuant à la justice sociale de manière plus significative qu'une simple augmentation des montants versés aux parents démunis. Voici pourquoi.

En général, le parent non-gardien est le père. De même, le père est généralement le parent dont les revenus sont plus élevés. Le cas général est donc celui où le père verse une pension alimentaire à la mère qui a la garde des enfants. Dans ce cas, la pension versée par le père a pour but d'améliorer le sort de ses enfants. À moins qu'ils ne soit divorcés, des parents séparés n'ont pas d'obligation l'un envers l'autre. S'il est révélé que la mère use de la pension alimentaire pour ses propres besoins plutôt que pour ceux des enfants, elle sera jugée fautive par les tribunaux.

Le calcul actuel de l'aide sociale est incohérent avec le principe des pensions alimentaires. Si la pension qu'un père verse à une mère pour leurs enfants est déduite du calcul d'aide sociale de la mère, celle-ci est forcée d'utiliser cet argent pour subvenir à ses propres besoins. Conséquemment, le père est obligé de payer pour subvenir aux besoins de son ex-conjointe alors que la mère se voit retirer la plus grande partie des montants destinés à ses enfants.

Il est juste que les pensions alimentaires destinées aux ex-époux soient déduites des calculs d'aide sociale, car il s'agit véritablement de revenus personnels. De même, il est juste que les montants additionnels d'aide sociale pour enfants soient déduits par les pensions alimentaires destinées aux enfants car, si le parent non-gardien a des revenus suffisants pour subvenir aux besoins des enfants, l'État n'a pas à porter cette responsabilité. Mais en amalgamant les montants destinés aux parents et ceux destinés aux enfants, en considérant tous les revenus comme étant «familiaux», on dénature à la fois l'aide sociale et la pension alimentaire.

La logique des revenus familiaux ne tient que dans la mesure où une famille est unie. Lorsqu'une famille est divisée, on ne peut plus considérer que tous ses membres ont un intérêt commun. C'est cette erreur qui afflige le calcul actuel de l'aide sociale, et qui cause de sévères injustices aux payeurs autant qu'aux bénéficiaires des pensions alimentaires. Actuellement, l'État force les bénéficiaires d'aide sociale et de pension alimentaire à détourner l'argent destiné à leurs enfants afin de subvenir à leurs propres besoins, puisque ces deux revenus sont mutuellement exclusifs.

Si la proposition péquiste est adoptée, elle aura non seulement pour effet d'améliorer le sort des enfants les plus démunis, mais elle fera également en sorte que plusieurs parents accepteront de payer une pension alimentaire de bon gré en sachant qu'ils ne remplaceront pas l'État en faisant vivre leurs ex-conjoints.

Il ne reste plus qu'à espérer que, malgré l'électoralisme survolté qui surplombe les gouvernements minoritaires, les partis d'opposition appuieront une mesure qui rétablira une équité élémentaire au sein de la réalité toujours pénible des familles divisées.