Dans les prochains jours, le gouvernement provincial espère pouvoir faire adopter le projet de loi 1 qui vise à garantir l'intégrité dans l'octroi des contrats publics. Entre-temps, les témoignages reçus par la commission Charbonneau ont mis en évidence le lien étroit entre la politique et l'approvisionnement public et relancent le débat sur la vulnérabilité à la corruption dans notre pays.    

Ces témoignages uniques nous ont permis de mieux comprendre la nature des échanges des faveurs, monétaires ou non, entre ceux qui octroient les contrats (politiciens et administrateurs) et les entreprises locales. Dans le passé, plusieurs études internationales ont révélé la connivence entre les secteurs privé et public. Cependant, on en connaît peu sur la manière dont se développent les relations privilégiées entre la politique et le monde des affaires, et sur la façon dont on peut intervenir et réformer la politique en vue de lutter contre la corruption.

Dans une étude récente menée à l'Université de Rome Tor Vergata, des données ont été recueillies relativement à la carrière politique des maires italiens entre 1985 et 2008, et aux contrats de travaux publics réalisés dans leur municipalité entre 2000 et 2005. L'aspect novateur qui se dégage de l'analyse est la manière dont le rapport de connivence évolue.

Ainsi, le nombre de mandats détenus par les maires a un lien direct avec le fonctionnement et les résultats des appels d'offres qu'ils gèrent. Lorsque le maire est réélu pour un second mandat (10 ans), il y a une réduction systématique du nombre de participants aux appels d'offres, ce qui correspond à un coût plus élevé pour les travaux de construction et à un fardeau plus lourd pour les finances publiques. Non seulement le niveau de concurrence se détériore, mais aussi la nature même de la concurrence. Cela augmente la probabilité que les gagnants soient des entreprises locales, entreprises qui, de surcroît, gagnent plus souvent, monopolisant ainsi le marché.

En outre, quand le maire est réélu pour un second mandat, les superviseurs de projets sont remplacés moins souvent. Par conséquent, les travaux publics ne sont pas seulement plus coûteux, mais également retardés, ce qui augmente les inconvénients pour toute la communauté.

Les résultats de cette recherche se rapportent à l'Italie et ne constituent pas une preuve de l'échange de faveurs entre les maires et les entreprises locales. De plus, ils ne sont pas nécessairement applicables au Québec.

Toutefois, les résultats de cette recherche et les témoignages mettent en lumière des points similaires sur la relation entre la politique et le monde des affaires dans les deux pays. Les témoignages sur la corruption dans les marchés publics au Québec valident indirectement les résultats de la recherche et soutiennent l'hypothèse que le phénomène est généré par la durée de temps passé au pouvoir.

Dans le cas des administrations locales italiennes et québécoises, limiter la durée des mandats des maires risque de réduire la capacité d'exécuter des programmes et des projets à moyen et à long terme (ponts, échangeurs, etc.). De plus, un politicien durant son dernier mandat peut être plus enclin à la corruption puisqu'il n'est pas rééligible («lame duck»).

Cependant, la similitude entre l'étude des maires italiens et les témoignages détaillés sur les liens entre les politiciens et les entreprises au Québec suggère de possibles effets positifs du remplacement systématique des politiciens au pouvoir grâce à la limite du nombre de mandats.

Cet instrument institutionnel devrait faciliter la rupture d'éventuels réseaux de collusion qui détériorent la santé des finances publiques, et conduire à plus de concurrence dans ce secteur. Ces faits disent aux politiciens du Québec qu'ils doivent commencer à lutter contre la corruption à l'intérieur du monde politique en limitant la durée de temps passé au pouvoir.