Au cours des derniers mois, nombreux sont ceux qui ont critiqué l'ex-maire de Montréal, Gérald Tremblay, pour le système de corruption et de collusion qui existerait ou aurait existé. Connaissant l'homme, je serais extrêmement surpris qu'il ait trempé dans ces manigances. Cependant, au-delà de son intégrité personnelle, il est ici question de l'intégrité de la Ville de Montréal, laquelle paraît être contaminée à divers échelons.

L'une des premières leçons que l'on apprend en gouvernance est celle de l'«imputabilité». Le maire est par conséquent l'ultime responsable de veiller à l'intégrité de sa ville. Il ne peut être au courant de tout et tout contrôler, mais il doit savoir bien s'entourer, s'assurer de la mise en place de structures efficientes et, finalement, insuffler une culture d'intégrité.

Dans cette fusion précipitée de 2001, le maire a été choisi par des «roitelets» de villes opposées à la fusion et quelques champions du financement. Ne voulant perdre leurs prérogatives et éviter de déplaire à leurs divers réseaux, ils ont choisi un rassembleur et conciliateur. Ils se sont cependant assurés de garder le contrôle au sein du parti, ainsi qu'à divers échelons de l'appareil municipal.

On accuse le maire d'aveuglement volontaire. Il y en a certainement eu une certaine dose, mais il est fort possible que plusieurs aient évité de le mettre au courant de ce qui se passait dans l'antichambre.

Je suis persuadé que la commission Charbonneau, mais surtout l'histoire, finira par démontrer que plusieurs roitelets de villes fusionnées et fonctionnaires voulant protéger leurs parties de golf en République dominicaine ont torpillé la Ville de Montréal depuis plusieurs décennies.

À une époque où la gouvernance est devenue un enjeu prioritaire, la gouvernance «politique» de la Ville de Montréal est la pire de toutes les organisations au Québec. Il existe un «faux» conseil municipal de 65 élus, lesquels sont éloignés de ce qui se passe et ne font que du «rubber stamping». Le véritable pouvoir repose dans les mains du comité exécutif, lequel est homogène et imperméable aux autres élus.

Au niveau de la gouvernance interne, du moins jusqu'en 2009, celle-ci était dans sa structure, comme dans ses divers mécanismes de gestion des risques, à des années-lumière des meilleures pratiques. Si, comme l'a dit M. Tremblay dans son allocution de départ, ces structures et mécanismes ont été améliorés - veuillez vite nous en faire la preuve, c'est une prérogative à notre confiance. Par exemple, que des firmes indépendantes n'ayant «jamais» fait des affaires avec la Ville viennent auditer et comparer avec les meilleures pratiques.

Finalement, au-delà des structures, il y a la culture. Il y a plus de 28 000 employés à la Ville de Montréal, dont la très vaste majorité est constituée de gens honnêtes. Cependant, je suis loin d'être convaincu qu'il y existe une culture forte où les valeurs sont connues et partagées, un environnement de travail où les comportements déviants sont identifiés et corrigés.

Bien au contraire, il semble exister une culture de l'omerta où de nombreux employés se sentent impuissants et acceptent la situation sans rien dire. Existe-t-il une fierté d'être un employé et de servir le citoyen?

Je me rappelle il y a sept ans, en collaboration avec un organisme spécialisé, d'avoir proposé à la Ville d'améliorer sa gouvernance et son éthique. Celle-ci nous avait alors répondu que ce n'était ni le moment ni une priorité. J'espère que cela le deviendra. Comme le disait Gilbert Rozon, il y a déjà trois ans, «il y a trop de petits royaumes et trop de roitelets à Montréal».

L'histoire nous enseignera sans doute que M. Tremblay, en 2001, aura hérité non pas d'une ville, mais d'un gigantesque nid de poule et qu'il n'a pu, à lui seul, colmater toutes les brèches. Y aurait-il eu une autre personne à la hauteur de cet immense défi?