Les Américains viennent de donner à Barack Obama un second ticket pour l'immortalité. Il y a quatre ans, le fait d'avoir été élu était une réussite en soi, car c'était la première fois qu'un Afro-Américain devenait président des États-Unis. Cette fois, le succès dépendra de ses réalisations à la tête du pays.

Le jour des élections, il est devenu clair que nous vivions désormais en Obamérique. L'Obamérique est multiraciale, et pas seulement blanche. Ses habitants sont de différentes religions ou même non-pratiquants, et pas seulement protestants. Elle accepte différents modes de vie, et pas seulement le traditionnel «maman, papa, 2,2 enfants, petite clôture et garage en banlieue». Elle est multiculturelle, multiethnique, pas monolithique, diverse sur les plans sociologique, idéologique et politique.

Si M. Obama avait perdu, on aurait considéré son élection comme une «obamanomalie», un coup de chance. Mais ce qui illustre le mieux les nouveaux États-Unis de M. Obama, c'est le contraste entre les conventions des deux partis politiques. La convention républicaine ressemblait à une réunion d'église dans le Midwest: presque exclusivement blanche, proprette et traditionnelle. La convention démocrate avait des airs de soirée dans une boîte de nuit: diverse, branchée et progressiste.

Les résultats de l'élection vont dans le même sens: l'armée de Barack Obama, formée de noirs, d'hispanophones, de jeunes, de gens éduqués et de femmes a vaincu la coalition blanche de Mitt Romney, formée de gens bien nés, et de tous ceux qui rêvent d'être comme eux.

Le président réélu aura à décider ce qu'il compte faire maintenant. Il doit, entre autres, attendre et observer la situation. Il y a le phénomène du cycle économique. Si Barack Obama avait perdu, l'image qu'on aurait gardée de son mandat aurait été le taux de chômage de 7,9%. Pendant les quatre prochaines années, il pourra regarder les marchés continuer de remonter et les Américains se réorganiser, revivre et retrouver la prospérité.

Mais la passivité n'est pas envisageable en 2012, et attendre n'est pas assez. Le président aura à composer avec la perpétuelle hostilité des républicains. L'homme qui a promis d'apporter du changement à Washington et de guérir la nation ne peut laisser l'image d'un gouvernement dans une impasse et d'une nation divisée. La «falaise budgétaire» imminente de près de 500 milliards de dollars en coupes automatiques et en hausses d'impôts pour combattre le déficit ne peut être le seul héritage de M. Obama. Il devra absolument tenter de remplir sa promesse de 2008 et créer une nouvelle façon de faire de la politique; blâmer l'obstructionnisme des républicains ne suffira pas.

En plus de devoir combler le fossé qui sépare les démocrates des républicains et essayer de ne pas tomber de la falaise économique, le président devra aussi s'attaquer à la fosse du chômage, au brouillard des soins de santé et au bourbier du Moyen-Orient. Il y a trop de gens aux États-Unis qui sont sans emploi et qui doivent retourner sur le marché du travail. L'Obamacare demeure un programme trop complexe et pas assez défini; le président peut maintenant superviser sa mise en application. Et la situation dans des pays comme l'Iran, la Syrie et la Libye - et qui sait quel pays s'ajoutera à la liste - reste une grave préoccupation.

Barack Obama doit aussi craindre la malédiction du second mandat. Les présidents réélus deviennent souvent des «canards boiteux» et plusieurs de ceux qui ont obtenu un second mandat ont vécu de grosses crises: Richard Nixon avec le Watergate, Ronald Reagan avec l'affaire Iran-Contra, Bill Clinton avec le scandale Lewinsky et George W. Bush avec le krach économique. Le pouvoir présidentiel commence à décliner dès qu'est passé le jour de l'investiture.

M. Obama devra montrer au peuple que c'est lui qui tient les rênes, qu'il possède une vision et qu'il est capable d'abattre le boulot difficile, complexe, mais aussi primordial que l'Obamérique attend de lui, et qu'il sait le faire de main de maître.