La décision du gouvernement de rejeter l'offre du géant malaisien Petronas à acquérir le groupe canadien Progress Energy soulève bien des questions. Elle inquiète d'autant plus le milieu des affaires qui attend avec impatience la décision quant à l'offre de 15,1 milliards de la Chinese National Overseas Oil Company (CNOOC) pour l'achat de Nexen Ltd. Cette offre doit être perçue d'un bon oeil.

L'offre témoigne surtout du succès des efforts déployés par le Canada pour renforcer ses liens commerciaux avec la Chine. Le gouvernement a d'ailleurs procédé, le mois dernier, à une étape essentielle de l'établissement de solides relations commerciales entre les deux pays avec le dépôt, attendu depuis longtemps, du traité bilatéral d'investissement entre le Canada et la Chine.

Cependant, un choeur de lamentations s'est encore fait entendre ces dernières semaines. Cela devient presque une manie nationale: remarquer chaque ombre au tableau, douter de soi, se faire du souci et angoisser dans l'inaction, tandis que les autres foncent avec détermination.

«Et la réciprocité? Pourquoi leur permettrions-nous d'investir chez nous alors qu'il nous est si difficile de le faire en Chine?», «Les Chinois se livrent-ils à l'espionnage industriel?», «Devrions-nous leur vendre un fleuron de l'économie canadienne?»

Bien sûr, «nous» ne possédons pas Nexen. Les actionnaires en sont les propriétaires. Ils ont investi dans leur société et souhaitent maintenant toucher des bénéfices sur la vente de titres. Leur société a connu une année difficile, et le secteur de l'exploitation des sables bitumineux, éprouvé, exigera de leur part l'injection de sommes considérables. Les sociétés allemandes, américaines, françaises et canadiennes qui entourent Nexen auraient pu déposer une offre, mais elles ne l'ont pas fait. Seule la CNOOC l'a fait.

Le fait que la CNOOC appartienne majoritairement à un État est troublant. La Chine a l'habitude de recourir à des entreprises d'État pour le gros de ses investissements à l'étranger. Aussi pouvons-nous nous attendre à ce que les prochains investissements chinois au Canada passent encore par des entreprises d'État.

Dans les secteurs gazier et pétrolier, la propriété d'État n'est pas l'apanage des Chinois. Près de 80% des réserves mondiales de gaz et de pétrole sont actuellement détenues par des sociétés contrôlées par des États. Bon nombre de ces sociétés sont déjà présentes au Canada, comme Statoil (Norvège), Japan Oil, Gas and Metals National Corporation (Japon), Korea Gas Corporation (République de Corée) et Petronas (Malaisie), pour ne nommer que celles-là.

Oui, des questions se posent au sujet du rôle du gouvernement chinois dans les activités de la CNOOC. Ne nous contentons pas de marmonner ces questions en catimini. Posons-les haut et fort, et exigeons de l'acheteur des réponses à l'égard d'enjeux cruciaux comme la protection de l'environnement, le traitement de la main-d'oeuvre, la gouvernance d'entreprise et la transparence financière.

Il est tout à fait approprié de demander au Bureau de la concurrence du Canada et à Investissement Canada d'analyser l'offre et d'exiger des conditions qui profiteront au Canada. Pour sa part, Ottawa doit établir des politiques claires pour guider ses décisions touchant de futures soumissions par des sociétés publiques, car il y en aura inévitablement d'autres après celle de la CNOOC.

La grande question, pour le Canada, dépasse la portée de cette transaction. La décision de vendredi dernier nous l'a trop bien rappelé. Il faut voir beaucoup plus loin. Réaffirmons donc notre position clairement: le Canada veut de l'investissement étranger sur son sol. Nous en avons besoin.