La Chine se livre à un bluff diplomatique pour essayer d'arracher les îles Senkaku au Japon. Elle a cependant beaucoup trop à perdre dans un conflit qu'elle provoquerait pour que ses menaces de représailles physiques ou économiques soient prises au sérieux.

Les dirigeants de la Chine nommeront en novembre un nouvel homme, Xi Jinping, à la tête de leur pays. Celui-ci remplacera Hu Jintao en mars 2013. Pour pouvoir assurer une transition harmonieuse malgré la morosité économique et les problèmes de croissance, les dirigeants de ce pays se cherchent des objectifs qui uniront la population derrière Xi Jinping. Le 10 septembre, la Chine a déposé devant les Nations unies les limites de ce qu'il considère être ses eaux territoriales. La carte de la mer Jaune amplifie intentionnellement sa zone économique exclusive pour inclure les îles Senkaku contrôlées par le Japon depuis 40 ans. Cette situation n'est pas improvisée. Depuis deux ans, la presse officielle a beaucoup parlé de ces îles et des revendications du gouvernement.

Les cinq îles Senkaku, d'une superficie totale d'à peine 7 kilomètres carrés, sont en mer de Chine orientale. Elles se trouvent dans les eaux internationales à plus de 200 milles marins des côtes de la Chine et du Japon. À la fin de la guerre sino-japonaise de 1895, la Chine les a cédés sous le nom de Diaoyu par le traité de Shimonoseki. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, elles n'ont pas été mentionnées dans le traité de paix de San Francisco qui décrivait les territoires que le Japon cédait. Elles sont donc restées administrées par les États-Unis jusqu'en 1972, date à laquelle elles ont été rendues à Tokyo. Plusieurs cartes chinoises identifiaient même ces îles par leur nom japonais dans les années 60. Beaucoup de Chinois considèrent cependant que ces îles leur ont été volées. Dans ce simulacre de crise, les dirigeants du pays utilisent le ressentiment historique et les sentiments nationalistes de la population pour assurer une bonne transition du pouvoir entre Xi Jinping et Hu Jintao.  

Pékin est depuis 10 ans dans une phase de forte expansion de sa puissance militaire. Ses forces navales ont augmenté d'environ 20 % par années. Le pays vient de se doter d'un porte-avions bâti sur une structure achetée en Ukraine en 1998. Bien qu'elle soit une puissance économique, la Chine n'a cependant pas la puissance militaire suffisante pour penser gagner une confrontation armée avec le Japon. De plus, elle est en plein développement des technologies nécessaires pour opérer son système d'arme. Pour que son nouveau porte-avions conduise à des changements importants dans l'équilibre des forces dans la région, il doit pouvoir survivre à ses premiers tests. La dernière chose que veut le complexe militaro-industriel chinois est d'effectuer le débogage de ses nouvelles technologies avec une situation réelle qui pourrait lui faire perdre son nouveau navire.

La Chine menace le Japon de recourir à l'arme économique. Les échanges commerciaux bilatéraux de ces deux pays dépassent les 340 milliards de dollars par année. La deuxième et la troisième puissance économique mondiale sont en fait liées par une impressionnante quantité de liens commerciaux. Le Japon importe des produits finis et exporte la technologie pour les faire. Beaucoup de produits chinois ont des composantes japonaises. Les deux économies sont trop interdépendantes. Une guerre économique nuirait aussi à Pékin. Cette menace économique a d'ailleurs déjà été utilisée dans un précédent conflit entre les deux pays en 2005. L'appel au boycottage des produits japonais n'avait pas duré un mois.

Pour mettre de la pression sur le Japon, des navires chinois sont entrés à plusieurs reprises dans la limite des eaux territoriales des îles Senkaku. Ce problème ramène à l'avant-scène les intégrations territoriales agressives de la Chine au cours des dernières décennies. Elles sont une constante de son évolution récente et ne vont s'arrêter que là où elles seront mises en échec. Le Tibet est un exemple classique de ces visées expansionnistes de la Chine. Le cas des îles Senkaku est la borne que la communauté internationale ne doit pas laisser la Chine franchir. Si elle le fait, les cas du Tibet qu'elle a envahi et de Taiwan qu'elle menace de réintégrer devraient être sur la table et faire partie d'un règlement global.