La pub pro-allaitement de l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal mettant en vedette la comédienne Mahée Paiement suscite de nombreuses réactions.

Quelle occasion ratée!

Lucie Paré

L'auteure est une consultante en périnatalité de Québec.

J'ai été profondément choquée par la publicité «Allaiter, c'est glamour» de l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, qui met en vedette Mahée Paiement. Quelle occasion ratée de promouvoir l'allaitement!

Je travaille auprès de femmes enceintes et de nouveaux parents, et la réalité est tout autre... Pourquoi ne pas parler des vraies choses au lieu de placer la femme encore au niveau de la performance (message sous-jacent: «Il n'y a rien là d'allaiter, c'est tellement facile!»). Dans les groupes de discussion des nouvelles mamans, ce qui ressort, c'est souvent l'exigence de l'allaitement (la fatigue accumulée entre autres), mais aussi la relation affective qui se renforce au fil du temps par un regard rempli de tendresse et de complicité entre maman et bébé.

Mahée Paiement semble-t-elle en contact affectif avec son bébé? Pas du tout. Elle semble plutôt en contact avec la caméra! Ce qu'elle donne comme message aux mères, c'est qu'il est «normal» d'avoir une taille de guêpe, d'avoir le temps d'être bien maquillée et très désirable en allaitant. Elle envoie aussi le message aux pères que si leur femme a un surplus de poids après la naissance et n'a pas le temps de prendre soin d'elle, ce n'est pas «normal».

Les pères ont comme rôle de rassurer leur femme qui a peur de ne plus être désirable après l'accouchement. Comment peut-on embarquer dans une telle publicité en voulant renforcer cette image de la mère qui se doit à tout prix d'être désirable et séduisante? Il est temps de cesser de voir l'allaitement avec des yeux «sexualisés». Il est tellement important que l'allaitement demeure un moment privilégié, rempli de noblesse et de tendresse entre la mère et l'enfant.

Ce qui aurait été vraiment chouette, c'est que Mme Paiement ait allaité en toute simplicité, en regardant son bébé droit dans les yeux, et qu'on ait senti ce merveilleux moment d'intimité entre eux.

---



En quoi est-ce choquant?


Julie Allard

Infirmière, l'auteure est mère de trois enfants de 5, 9 et 12 ans. Elle réside à Val-d'Or.

La nouvelle campagne promotionnelle pour l'allaitement choque. Jusqu'à maintenant, je ne lis que des commentaires négatifs, voire même irrespectueux.

Je ne trouve pas la photo très belle du point de vue esthétique. Il manque clairement de chaleur dans cette image. C'est trop figé, trop parfait. Mais les critiques que je lis vont plutôt dans une autre direction, soit qu'elle est peu représentative de la réalité, et qu'elle mettrait de la pression aux mamans pour allaiter. Je comprends. Mais est-ce que c'était le but de cette campagne? J'en doute.

Des représentations de mamans fatiguées, cernées, épuisées, en pyjama, on a vu ça des centaines de fois. Et si une maman comme Mahée Paiement a envie de rester coquette et séduisante, malgré le fait qu'elle allaite, en quoi est-ce choquant? Prenez Julie Snyder, qui affirmait allaiter en robe du soir dans les coulisses des galas de Star Académie, elle est où la différence? Ah oui, c'est vrai, la différence, c'est qu'on ne la voyait pas. Et ce qu'on ne voit pas ne nous dérange pas.

À trop vouloir faire l'éloge des mères imparfaites et indignes, on bascule de façon insidieuse vers l'autre extrême: stigmatiser les mamans zen, en contrôle, qui respirent la joie et qui assument leurs choix de vie. Regardez juste à quel point Jacynthe René a dérangé quand elle est allée parler de son bonheur sur la place publique!

Les nombreuses réactions en lien avec cette photo sont le reflet d'un malaise bien plus grand qui existe dans la «merveilleuse» communauté des mamans, qui est véritablement scindée en deux. Mon camp: celui du respect. Et ce que j'ai lu sur Mahée Paiement était parfois loin d'être respectueux.