J'ai 41 ans, deux jeunes garçons et je travaille dans le domaine de la finance. Je fais un excellent salaire et je suis de ceux qui vont être frappés de plein fouet par vos nouvelles mesures fiscales.

Je fais partie de ces 2% qui contribuent déjà de façon démesurée à l'assiette fiscale. Or, ce qui rend la pilule difficile à avaler, c'est que ces hausses ne peuvent être justifiées d'aucune façon autre qu'«il faut prendre l'argent quelque part». Or, bien que vous allez prétendre probablement le contraire, on ne m'offrira pas plus de services et on n'améliora pas ceux existants.

Pas plus tard que mardi dernier, vers 21h30, je me suis rendu à l'urgence de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont pour une sévère infection cutanée à l'avant-bras qui semblait vouloir dégénérer. Après être passé au triage, on m'annonce le temps d'attente: 11 heures! Je suis retourné me coucher à la maison. Le lendemain matin, j'ai pris rendez-vous dans une clinique privée et à14h, j'avais vu un médecin et commencé un traitement aux antibiotiques. Coût: 200$. Or, ce n'est pas débourser 200$ qui me scandalise, ni même de donner une forte portion de mon salaire en impôts. Ce qui me scandalise, c'est de devoir faire les deux.

Autre exemple? Il m'est impossible d'avoir accès aux garderies à 7$ parce que quelqu'un au ministère juge que mon quartier n'en a pas besoin... même si des garderies non subventionnées y poussent comme des champignons. Modèle communiste, s'il en est un. Je débourse donc 35$ par jour pour faire garder mon plus jeune garçon. Un autre service grassement financé à même mes impôts auquel je n'aurai jamais accès. Encore une fois, je paie en double.

Or, si on ne peut visiblement justifier une telle mesure par une amélioration ou une augmentation des services, alors sur quelle base peut-on le faire? L'équité? Sûrement pas. Oui, c'est vrai, je fais un très bon salaire, mais je ne l'ai pas volé et je n'en ai pas hérité non plus. Je viens de la classe moyenne. Au secondaire, j'ai étudié dans une polyvalente de la Rive-Sud (pas au Collège Brébeuf!) et je suis allé au cégep André-Laurendeau de LaSalle (classé 50e sur 51 à l'époque!) Malgré tout, j'ai été accepté aux HEC grâce à mes efforts et mes notes. Je me suis tapé cinq ans d'université à manger des cannes de thon et à travailler comme un forcené. Aujourd'hui, je suis assis à mon bureau à 7h tous les matins et j'y passe 45 heures par semaine. Et dès qu'on en a la chance, on vient me pomper des impôts additionnels sous prétexte que j'ai les moyens de payer! C'est ça l'équité? Est-ce comme ça qu'on va valoriser les études et le travail?

Les gens dans ma situation n'ont pas de voix. Personne ne défend les mieux nantis et, au Québec plus qu'ailleurs, on semble même les mépriser. Au Québec, à moins d'être un médecin, si tu gagnes 200 000$ par année, tu es un magouilleur ou un chanceux. Dans une province où plus de 40% des contribuables ne payent pas d'impôt, le débat public et politique est forcément biaisé vers le «davantage de services gratuits»: santé, médicaments, garderie, électricité, etc. La dynamique est partout pareille.

Je pourrais menacer de quitter la province, mais ce ne serait pas crédible. Ma femme a un emploi qu'elle aime et mes enfants sont bien intégrés dans leur milieu. Par contre, j'attends déjà les prochaines élections avec impatience. Je n'ai jamais opté pour le vote stratégique, mais il en sera autrement lors du prochain scrutin.

Faire payer les riches! Une solution simpliste quand on refuse de prendre des décisions difficiles. Voilà, Mme Marois, ce que représente votre gouvernement.

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«Un riche qui n'en a pas pour son argent», sur lapresse.ca/debats