Du haut de ses 31,9%, Pauline Marois a décidé de cracher au visage des quelque 60% de la population qui n'ont pas voté pour son parti et qui étaient en faveur de la hausse des droits de scolarité. En annulant celle-ci, pourtant dûment votée dans le dernier budget Bachand, elle a remboursé sa dette aux étudiants qui ont initié le coup d'État civil par lequel elle a accédé au pouvoir.

Il lui reste maintenant à retourner l'ascenseur aux syndicats, qui ont financé le putsch et organisé sa logistique, ainsi qu'aux joueurs de casserole : on devine aisément que les mesures sociales et les ententes cordiales avec les apparatchiks syndicaux feront partie du quotidien du nouveau gouvernement, largement formé d'idéologues et d'intégristes.

Cette décision est malavisée pour plusieurs raisons, dont l'État des finances publiques n'est pas la moindre. Elle nuira bien sûr à la performance des universités québécoises, que le gouvernement ne pourra pas compenser chaque année pour le manque à gagner provoqué par ce décret funeste.

Il faut d'ailleurs s'attendre à la reprise par les étudiants de leur rengaine sur le nécessaire «réinvestissement massif en éducation», maintenant qu'ils ne craignent plus qu'on prenne le fric dans leurs comptes de banque. Elle amènera aussi le PQ à hausser les impôts des «nantis», mesure populiste dont l'effet réel risque de confiner à la nullité. On se rendra rapidement compte que ce gouvernement connaît de nombreuses façons de presser les citrons mais qu'il est incapable de faire pousser un citronnier.

Mais cette mesure provoquera en outre des effets pervers à long terme : d'abord, le fait qu'il sera désormais impossible de hausser les droits de scolarité, les étudiants de demain se fondant sur leur victoire «historique» (en réalité à la Pyrrhus) pour mobiliser leurs troupes au cas où un vilain gouvernement «néolibéral» tenterait de leur extorquer leur «juste part»; ensuite, le fait que tous les lobbies et les groupes sociaux connaissent désormais la recette pour faire reculer le gouvernement, soit des manifestations à répétition assorties d'une pincée de vandalisme et d'un zeste de désobéissance civile jusqu'à ce que les bonnes âmes décrètent qu'il faut acheter la paix à tout prix.

Quant à elle, la majorité silencieuse devra assister impuissante au triomphe des intérêts corporatifs et syndicaux, n'ayant pas la possibilité de manifester ou de taper sur la vaisselle jour après jour à cause de ses responsabilités et de son rôle de vache à lait de l'État.

Mais hélas, ce n'est pas tout. L'abolition de la hausse des droits s'inscrit logiquement dans le trinôme qui caractérise l'esprit actuel au PQ : geler, bloquer et interdire. Le gel est en effet devenu le nouveau mantra des péquistes, que ce soit dans les CPE et à Hydro. Sous prétexte de justice sociale, on favorise ainsi les plus fortunés. La tendance à faire obstacle au développement économique y est aussi endémique et se manifeste par son attachement maladif aux moratoires, dont celui sur le gaz de schiste que la nouvelle ministre voudrait éternel. Quant à elle, la propension à proscrire y est virale : freins à l'entrée dans les cégeps anglophones, limitation de la «citoyenneté québécoise» aux francophones, bannissement de l'unifolié, etc. Sans parler de l'obsession souverainiste, bien que le coût de cette idée fixe soit devenu prohibitif et que la population n'en veuille pas.

Non, je n'ai pas voté pour ça!

Heureusement, les électeurs québécois n'ont pas mis tous leurs oeufs dans le même panier et n'ont donné à Mme Marois qu'un mandat minoritaire. Les citoyens frustrés par le résultat des dernières élections et par le biais gauchiste du gouvernement pourront donc prendre leur revanche dans moins de 18 mois et retourner Mme Marois à ses chaudrons.