On aimerait croire que l'intention du nouveau gouvernement de hausser rétroactivement les impôts des contribuables qu'il désigne comme riches soit justifiée par une quelconque urgence économique ou fiscale.

Certes, au rythme où le cabinet Marois multiplie les annonces de mesures improvisées, il n'est pas impossible que les agences de notation de crédit décident tôt ou tard de mettre la note du Québec sous examen. Rien de tel n'est cependant encore arrivé.

Qu'est-ce donc alors qui pousse Mme Marois à vouloir changer les règles du jeu au milieu de la partie? Pourquoi est-elle prête à prendre le risque de briser, dès les premiers jours de son gouvernement, le lien de confiance entre l'État et ses contribuables? Ceux-ci n'ont-ils pas travaillé et investi depuis le 1er janvier en croyant sur parole le gouvernement qui avait annoncé des tables d'imposition valides jusqu'au 31 décembre?

Le ministre des Finances, Nicolas Marceau, a depuis ouvert la porte à des aménagements possibles, mais quelle était la nature de l'urgence qui le poussait à risquer sa propre crédibilité en même temps que celle de l'ensemble du gouvernement?

Si cette urgence n'était ni économique ni fiscale, c'est du côté de la politique qu'il faut en chercher les causes.

Le Parti québécois aime se réclamer du «progressisme», mais ses militants naturellement impatients ne seront vraiment heureux au pouvoir que le jour où ils auront aussi mis en oeuvre les volets identitaire et souverainiste de leur programme. Or, cela restera impossible tant et aussi longtemps que leur parti sera minoritaire à l'Assemblée nationale. La nomination des membres du cabinet, tout comme les mesures annoncées en cascade dès les premières heures du gouvernement, ont donc pour but principal, sinon unique, de camper les balises qui permettront au Parti québécois de conquérir à aussi brève échéance que possible cette majorité.

Dans l'esprit des stratèges péquistes, il est clair que cette majorité passe par un virage très net vers la gauche, en direction des terres de Québec solidaire et de la mouvance écolo-radicale, sans oublier de passer par le territoire des «carrés rouges».

La question qui se pose alors pour les deux principaux partis de l'opposition qui représentent la majorité des électeurs est de savoir jusqu'où et jusqu'à quand ils laisseront Mme Marois progresser dans cette voie qu'ils estiment avec raison être dommageable pour l'économie du Québec.

Du côté du PLQ, aucun scénario de renversement du gouvernement ne sera réellement envisageable tant que le parti n'aura pas choisi son nouveau chef. La CAQ aura besoin, quant à elle, de quelques mois pour mieux resserrer son programme et recruter de nouveaux candidats. Du côté de l'un comme de l'autre, il faudra construire l'argumentaire solide qui ralliera une majorité d'électeurs la prochaine fois.

Le Québec entre donc dans une période d'incertitude où la politique donnera le ton à l'économie. Au cours de cette période, l'attente des investisseurs tant locaux qu'étrangers sera de mise. Elle sera de mise non seulement en raison d'une gouvernance bien plus socialiste et écolo-radicale que ce à quoi le Québec est habitué, mais aussi en raison de l'incertitude encore plus grande qui pourrait survenir d'ici quelques mois, dans l'éventualité où une majorité péquiste foncerait avec autant de vigueur sur les fronts identitaire et souverainiste.

Au cours de cette période d'incertitude à durée indéterminée, la mise en oeuvre des stratégies préélectorales des uns et des autres ainsi que la publication des sondages politiques auront autant sinon plus d'importance dans l'esprit des investisseurs que les données fondamentales sur l'économie du Québec.

Or, quand l'économie devient ainsi l'otage de la politique, ces mêmes données fondamentales risquent elles aussi et bien malheureusement de se détériorer.