Tout le monde s'entend, le nouveau gouvernement péquiste sera d'autant apprécié qu'il fera la démonstration d'une bonne gouvernance des affaires de l'État, loin de la corruption et sans intentions politiques cachées. Pour reprendre un cliché, il devra gouverner autrement, en s'attaquant aux problèmes et aux irritants sociaux qui font consensus.

Parmi les dossiers d'un tel chantier, l'examen de certains encadrements législatifs s'impose. C'est le cas de la Loi sur l'assurance automobile dont plusieurs dispositions (la loi contient plus de 200 articles) ne sont plus adaptées aux réalités d'aujourd'hui.

Instaurée en 1978 par la ministre Lise Payette, à l'époque ministre à la Condition féminine, à la consommation, aux coopératives et institutions financières, cette loi a marqué les premières années de gouvernance péquiste. C'était il y a 35 ans. Même si elle a fait l'objet d'ajustements en cours de route, dont une réforme assez importante en 1990, ses grands principes modèlent toujours le régime que nous connaissons aujourd'hui. Sans tout remettre en question - notamment le no-fault - force est de constater que le contexte social a subi de profondes transformations et que le régime doit être ajusté profondément.

Des exemples concrets ? Il y en a des dizaines, mais le plus médiatisé est certainement cette disposition qui accorde aux criminels récidivistes de la route les mêmes droits et privilèges (ainsi que les indemnités qui en résultent !) qu'aux victimes. Cela ne fait pas de sens. La question traîne depuis des années. Deux commissions parlementaires en 2002 et un projet de loi du ministre des Transports de l'époque, Serge Ménard, n'ont pas réussi à changer les choses. Depuis, c'est le silence radio.

Même les assureurs privés sont mal à l'aise avec cette aberration. Dans l'état actuel des choses, les assureurs doivent payer les dommages matériels de leurs assurés même si ces derniers ont démoli leur véhicule en état d'ébriété !

D'autres pratiques méritent un examen. Certains aspects liés à l'indemnisation des victimes doivent être révisés au regard de nombreux chevauchements avec d'autres lois, notamment celle encadrant les accidents de travail (CSST). La perte progressive des indemnités à partir de 65 ans et la fin des indemnités à 68 ans est une aberration. Et la liste pourrait s'allonger : plusieurs dispositions liées à l'accessibilité, à la détermination de l'emploi au moment de l'accident, au remplacement de la perte économique subie, au dommage matériel ainsi qu'à plusieurs aspects de nature juridique, dont les milliers de contestations au Tribunal administratif du Québec, requièrent un examen des situations et une révision en profondeur de la loi.

Autre disposition à réviser, même si elle ne touche pas la loi à proprement dit : l'examen médical exigé aux conducteurs de 75 ans. La longévité de la population s'est grandement améliorée depuis 35 ans, et il serait tout à fait envisageable de déplacer cette exigence à 80 ans sans conséquence pour le bilan routier.

Notre régime d'assurance automobile est unique au monde. Il fait l'envie de nombreux pays. Tous les Québécois sont assurés partout dans le monde, peu importe le lieu où se produit l'accident. C'est un modèle de gestion intégrée qui recouvre à la fois la prévention, le contrôle, l'indemnisation et la réadaptation des victimes de la route. Un modèle simple, équitable, efficace et à faible coût, qui s'autofinance (une qualité rare aujourd'hui !) par une partie des revenus provenant des permis de conduire et des frais d'immatriculation.

Chaque fois que les aberrations du régime font la manchette, il s'en trouve pour crier à l'injustice du système et réclamer l'abandon du no-fault, ce qui provoquerait vraisemblablement la fin du régime. Plutôt que de le conspuer chaque fois qu'il fait défaut, il faut le mettre en harmonie avec les conditions sociales prévalentes pour le rendre encore plus juste et plus efficient.