Ces derniers temps, on a lu et entendu quelques commentateurs de l'actualité (dont Patrick Lagacé) s'étonner de ce que le discours de droite fleurissait dans ce bastion de la fonction publique qu'est la région de Québec. Il n'y a pourtant aucun mystère. Bien au contraire.

Il faut d'abord prendre note que la plus haute concentration de fonctionnaire du Québec est aussi, par ricochet, la plus haute concentration de «voisins de fonctionnaires».

Or, il y a de cela quelques décennies, un emploi dans la fonction publique était perçu, et ce, même à l'interne, comme une position privilégiée. Et même si la caricature en vogue à l'époque ne reflétait sans doute que la réalité d'une mince minorité, il était possible de poursuivre une carrière prospère et oisive dans l'appareil de l'État avec la bénédiction d'un syndicat pour lequel les exigences de compétence et d'efficacité relevaient au pire, du sacrilège et au mieux, ne constituaient qu'un détail. Tout ça, sous les yeux envieux du reste de la population.

Depuis, le déséquilibre s'est, en partie, comblé entre les emplois du secteur public et ceux du secteur privé. Les délais pour obtenir une permanence sont de plus en plus longs et des clauses-orphelin restreignent aux nouveaux l'accès aux privilèges d'autrefois.

Mais le mal est fait. Toute une génération de la région de Québec a grandi à l'ombre de cette classe sociale particulière. Nourrie par les envies et les jalousies de tous ceux, bien plus nombreux, qui n'avaient pas accès à la manne de l'État.

Cette génération, aujourd'hui dans la trentaine et la quarantaine, a connu une accession au marché du travail semée d'embûches. Il fallait des coupables. C'est précisément dans le terreau fertile de cette génération oubliée qu'est né l'actuel mouvement de droite au Québec. Une droite économique comme elle se plait à le préciser. Sans aucune racine avec la droite religieuse de l'ouest.

Il y a donc un facteur générationnel. Les baby-boomers ont largement profité de cette situation. Ou devrais-je dire «des» baby-boomers. Ils n'étaient pas tous fonctionnaires, que je sache.

Beaucoup de commentateurs de droite ont d'ailleurs écrit sur les boomers. Que ce soit Richard Martineau (La Chasse à l'éléphant, 1990) ou Éric Duhaime (L'État contre les jeunes, 2012), ils ont tenu des discours parfois lucides mais surtout revanchards.

Qu'elle l'avoue ou non, cette droite populiste carbure à la haine. Elle a la prétention de ne vouloir que le bien public (en le fourguant au secteur privé), mais elle est prête à bien des raccourcis pour jeter tout les bébés qu'elle voudra avec l'eau du bain et savourer ainsi sa revanche des générations.

Et elle profitera, dans le spectre politique actuel, de l'appui bien involontaire des fédéralistes de gauche qui ne sont, pour l'instant, représentés par personne.