Le vieillissement de la population est sans contredit le grand oublié de cette campagne électorale. Probablement le plus grand défi auquel aura à faire face le Québec au cours des deux prochaines décennies.  Malheureusement, la problématique du vieillissement tend à se résumer pour l'ensemble des partis politiques à une simple question, celle du maintien à domicile.

Cette problématique fort complexe, peut-être trop pour être débattue en campagne électorale comme diraient certains, est au coeur de tous les enjeux majeurs de la présente campagne.  Autant en ce qui concerne les problèmes reliés à la santé, aux finances publiques, à la création d'emplois et au maintien de la qualité de vie des individus en général.

D'ici 2030, la population âgée de 65 et plus au Québec va augmenter de plus d'un million d'individus, pendant que la population en âge de travailler va légèrement décliner. Alors qu'on a compté au cours des 20 dernières années près de 2,3 personnes en âge de travailler pour chaque personne non active, nous n'en compterons plus que 1,5 dans 20 ans, soit le ratio le plus bas de l'histoire du Québec.  Couplé à une dette publique qui ne cesse d'augmenter, on peut imaginer le poids que nous faisons porter aux générations montantes.

Il est aussi fascinant de voir que le Plan Nord, et ses possibilités de création d'emplois, semble être la solution à tous nos maux, alors qu'on se demande comment on va réussir à remplacer tous les baby-boomers qui partent la retraite.  La création de la richesse essentielle au maintien de nos services ne passe pas par la création de nouveaux emplois qu'on aura de plus en plus de difficulté à combler, mais par l'augmentation de notre productivité.  Nous devrons inévitablement apprendre à faire plus avec moins de ressources humaines.  Cela nous obligera aussi à avoir de plus en plus recours à l'immigration, et sur ce point, les derniers évènements nous ont montré que la question est loin d'être réglée.

C'est également notre faible productivité qui a fait que sans crier gare, on a décidé à Ottawa de reporter l'âge de la retraite et à Québec de pénaliser ceux qui la prenaient avant 65 ans.  Nos partis se préoccupent beaucoup de la santé physique de nos aînés, mais peu de leur santé financière pourtant tout aussi importante. Les gestionnaires de fonds de pension privés, pour la plupart déficitaires, ne savent plus comment ils pourront répondre à leur obligation face à leurs futurs prestataires. Quant aux déficits des régimes municipaux, ils mettent en péril le fonctionnement même des villes.   Dans une conjoncture où l'économie mondiale semble plonger vers une nouvelle récession, on se demande comment la Caisse de dépôt et de placement, à qui on demande mer et monde, pourra maintenir des rendements de 7 % pour assumer ses responsabilités face aux baby-boomers qui prendront leur retraite bientôt, sans pour autant hypothéquer celle des générations futures.

Inévitablement, notre système de santé subira les plus grands impacts du vieillissement. Les coûts et les besoins par individu explosant avec l'âge, il deviendra de plus en plus difficile de répondre adéquatement aux problèmes de santé, et ce, autant financièrement qu'humainement.  Sous les couleurs d'une meilleure qualité de soins, le maintien à domicile est devenu l'élément central d'une politique visant avant tout à minimiser les coûts de santé.

Avec la rareté de la main-d'oeuvre, on ne pourra éternellement faire supporter cette politique par des aidants naturels essoufflés qui deviendront aussi peu nombreux vu le faible nombre d'enfants qu'ont faits les baby-boomers. La solution aux problèmes de santé passe par une nouvelle approche qui consiste à dissocier les coûts reliés à la santé et les coûts reliés au vieillissement.

La vieillesse n'est pas une maladie, mais une étape de la vie. Confondre vieillir et maladie c'est comme confondre assurance-chômage et retraite. Il faut répondre aux besoins des personnes âgées à tous les niveaux, comme on répond aux besoins des enfants. Il faut certes, pour ceux qui le désirent, aider les ainés à demeurer à domicile, mais il faut aussi permettre aux plus démunies des personnes âgées, isolées dans leur logement en attente de soins qui ne viendront souvent pas, d'habiter dans des lieux où ils pourront continuer de s'épanouir et de vivre dans la dignité. Il faut réinvestir dans le logement social pour personnes âgées encore autonomes et dans les CHSLD pour les autres.

Incroyablement, la classe politique ne semble pas se rendre compte des changements démographiques profonds qui ont commencé à affecter la société québécoise. Les solutions avancées par les différents partis pour pallier les problèmes du Québec ne relèvent pas de la pensée magique, mais plutôt d'une autre époque. Si les enjeux du vieillissement ne sont pas abordés clairement sous tous leurs aspects, ce ne sont pas uniquement les personnes âgées qui vont en faire les frais, mais aussi l'ensemble de la société.

Face à ce nouveau contexte démographique, il ne suffit plus de savoir comment, mais bien qui. Qui demain payera nos dettes, qui demain occupera les emplois qui nous permettront de créer de la riche et maintenir notre niveau de vie, qui demain assurera les services à une population vieillissante ?  Lorsqu'on aura répondu à ces questions, on pourra trouver des solutions qui tiendront la route. Pour l'instant nos partis politiques sur cette question pourtant fondamentale semblent baigner dans le déni ou l'ignorance, ce qui serait encore bien pire.